La ventilation au masque (avec ballon), Bag Mask Ventilation (BVM) en anglais, est la pierre angulaire du management des voies aériennes.

Elle est très souvent considérée comme une procédure basique, mais en réalité rien n’est basique dans la BMV. L’acquisition de cette compétence nécessite beaucoup d’entraînement et d’expérience.

La BVM n’est pas sexy ou glamour, et ne fera pas de vous Dr Mamour. Mais elle vous permettra de sauver des vies.

La plupart des gens ne la réalisent pas de manière optimale bien qu’elle soit l’une des parties essentielles de la gestion des voies aériennes.

La BVM est souvent reléguée au médecin junior et quand la saturation commence à baisser, on accuse souvent le patient plutôt que l’inaptitude que l’on a en tant que médecin de l’aigu à assurer une oxygénation et ventilation correctes.

Lorsque la BVM est réalisée dans un contexte d’urgence, la détresse respiratoire voire l’arrêt respiratoire ne sont jamais très loin. Parce qu’elle est considérée comme une compétence « simple » on laisse la BVM à notre partenaire pendant que l’on prépare soit même le matériel d’intubation. Le masque est appliqué sur la face du patient et les ventilations sont souvent appliquées trop agressivement et de manière inefficace.

Cette ventilation agressive est souvent responsable d’une distension gastrique responsable de vomissements rendant l’intubation difficile voire impossible. La broncho-aspiration survient alors, l’hypoxémie s’aggrave et le patient est encore plus à risque d’arrêt respiratoire puis cardiaque.

Quand j’ai commencé la médecine d’urgence, j’appliquais le masque sur le visage du patient et utilisais la technique « C-E » sans réellement me soucier de l’efficacité de cette dernière.

POURQUOI LA TECNIQUE « C-E » ?

Ce sont les lettres que forment les doigts de la main tenant le masque.

Le C :

Le E :

Petite variante du E :

COMMENT SAVOIR SI LES VENTILATIONS SONT EFFICACES ?

La détection clinique d’une ventilation adéquate est difficile.

Quel est alors l’élément permettant d’affirmer la présence d’échange gazeux au niveau alvéolaire.

L’EtCO2 bien sûr !!!

En médecine d’urgence, on veut une technique qui fonctionne dès le premier coup !!! La traditionnelle technique « C-E » n’est pas toujours la meilleure.

Certains me diront qu’ils ne sont pas d’accord, je l’étais encore il y a quelques années, puis j’ai regardé la vidéo sur le blog FOAM « EmCrit » réalisée par Ruben Strayer.

TROIS FACTEURS CONTRIBUANT À UNE MAUVAISE BMV

MAUVAISE ÉTANCHÉITÉ DU MASQUE

Quand on utilise la technique « C-E », la pression exercée sur la masque n’est pas également répartie sur la face du patient. Si bien que lorsque l’on utilise sa main gauche, il y a une tendance à une fuite d’air entre le masque et le côté droit du la bouche du patient, passant souvent inaperçu.

MAUVAIS POSITIONNEMENT DU MASQUE

En raison de la difficulté d’obtenir une étanchéité optimale et parce que maintenir l’étanchéité peut être fatiguant, la tendance est de presser fortement le masque sur le visage. Dans ce cas la bouche est généralement fermée par cette pression s’exerçant à la fois perpendiculairement et par une forte traction sur la mandibule. Les narines sont alors le seul passage pour la ventilation. Les tissus mous du pharynx s’affaissent alors, bloquant l’ouverture de la glotte.

Une autre technique a été introduites il y a 12 ans, dans les recommandations 2005 de l’AHA.

« La BMV est bien plus efficace lorsque pratiquée à 4 mains par deux opérateurs expérimentés et aguerris. Le premier ouvre les voies aériennes et assure l’étanchéité du masque sur le visage à deux mains pendant que le second presse le ballon. Les deux opérateurs s’assurent des mouvements du thorax ».

Cette technique à deux mains est parfois appelée la technique « T-E » pour Thénar-Eminence.

Gerstein en 2013 a comparé l’efficacité de ces deux techniques (C-E et T-E) lorsqu’elles étaient pratiquées par des médecins juniors. Il trouvait que la technique « T-E » permettait une ventilation plus efficace par rapport à la technique « C-E ».

De plus elle permet de mieux ressentir les fuites et donc le manque d’étanchéité. Enfin chez nos patients peu joufflus ou sans-dents (Hollande Rest in Peace), il est possible de remonter de la peau des joues avec les 2 derniers doigts de chaque main pour réduire, là encore, les fuites.

FRÉQUENCE RESPIRATOIRE ET VOLUME COURANT EXCESSIFS

Même en essayant d’être parfaitement concentré sur la fréquence et le volume courant délivrés au patient lors de la BMV, la différence avec ce qui est réellement appliqué peut-être importante.

Ceci a été montré par une étude menée à Milwaukee, dans laquelle les Paramedics étaient formés à ventiler à une fréquence appropriée pendant l’arrêt cardiaque. L’étude rétrospective objective de cette fréquence montrait qu’en moyenne elle était de 30 /min !!!

Quand je faisais du SMUR en France je disais généralement à celui qui ventilait, lorsque ce n’était pas moi, de le faire au rythme ou lui-même respirait. À condition de ne pas avoir à le faire quand la victime vivait au 8ème étage sans ascenseur !!!

Une fréquence respiratoire et un volume courant excessifs sont non seulement délétères pour le patient en ACR mais également pour le patient dont le cœur bat car la pression délivrée dépasse la pression d’ouverture du sphincter inférieur de l’œsophage, responsable d’une distension gastrique exposant au risque de régurgitation et à des difficultés de ventilation, notamment chez l’enfant.

Pour prévenir la distension gastrique, les voies aériennes doivent être maintenues ouvertes et les ventilations délivrées doucement, très doucement. Selon mes observations, personne ne délivre suffisamment doucement les ventilations, moi le premier. Quand notre propre cœur bat à 150 /minute, attendre 6 secondes pour délivrer la ventilation suivante semble durer une éternité.

Comment ralentir le rythme ? Si le patient est intubé, par de soucis, on peut le placer sous respirateur. Mais le sujet du post est la ventilation au masque !!! Utiliser un métronome, brancher une petite diode à mettre au bout du masque qui clignote toutes les 6 secondes.

Ou encore après le célébrissime « Staying Alive » du massage cardiaque, appliquons une comptine enfantine pour se donner un rythme :

« Un, deux, trois, nous irons au bois = Ventilation,

Quatre, cinq, six, cueillir des cerises = Ventilation,

Sept, huit, neuf, dans mon panier neuf = Ventilation,

Dix, onze, douze, elles seront toutes rouges = Ventilation et on recommence !!! ».

J’ai testé, cela fait a peu de chose près une ventilation toutes les 6 secondes. Si vous avez d’autres propositions, mettez-les en commentaires, je suis preneur !!!

En plus de ventiler trop rapidement, nous délivrons des volumes courants bien trop important. Le volume moyen d’un ballon adulte est de 1600 mL. Presser le ballon à fond n’est donc pas nécessaire, 1/3 suffisent. Plus, et la pression délivrée est trop importante avec pour conséquence une distension de l’estomac, l’œsophage trop content de récupérer ce que la trachée ne veut pas.

ET LA CANULE DE GUEDEL ALORS!!!

Nous rajoutons ce paragraphe après le commentaire d’un lecteur de l’article. Nous avions hésité à en parler initialement mais après réflexion, bien évidemment, il faut le faire. Let’s go!!!

Pourquoi l’utiliser pour la ventilation au masque :

  • Permet de garder la langue séparée du mur postérieur du pharynx évitant ainsi une obstruction,
  • Permet de maintenir la bouche ouverte lorsque la traction sur la mandibule doit être ferme,
  • Permet grâce à son tube interne la ventilation,
  • Permet de garder une main libre lorsque la ventilation à 4 mains n’est pas possible,
  • Permet de réduire la pression d’insufflation. En effet lorsque la ventilation est difficile, notamment avec une obstruction par chute de la langue sur le mur postérieur du pharynx, l’augmentation de la pression d’insufflation permet parfois de faire passer le flux d’air/oxygène. Gardons seulement à l’esprit qu’au delà de 15 cmH2O de pression le sphincter inférieur de l’oesophage devient perméable avec tous les risques que la distension gastrique pose dans ce contexte. Certains auteurs décrivent même son ouverture dès 9 cmH2O. Autant dire que plus nous serons doux, moins nous aurons de vomi sur les joues!!!

L’utilisation de la Guedel n’empêche en rien d’appliquer tout ce qui a été écrit au dessus.

Si malgré cela, la ventilation n’est pas optimale, une petite inclinaison de la tête sur le côté d’environ 30° degré peut être réaliser. Je connais pas la physiopathologie dernière mais ça marche.

LA BMV DURANT L’ARRÊT CARDIAQUE

Si vous performez une RCP selon le rythme 30 compressions pour 2 insufflations, il n’est pas possible d’appliquer ces ventilations de manière lente et douce. L’objectif est de n’interrompre les compressions que pendant 3 secondes si bien que les ventilations sont donc données 4 fois plus rapidement.

Ainsi, gardons en tête que l’attitude idéale pourrait être « Petite pression du ballon – Petite pression du ballon » en permettant au ballon de se réexpendre complétement entre les deux. La pression intrathoracique reste élevée sans exsufflation complète, gênant ainsi le retour veineux.

Pour simplfier :

  • Petite pression du ballon – Petite pression du ballon
  • Réexpansion complète du ballon entre les pressions
  • Concentration maximale sur l’étanchéité et la juste position du masque.

CONCLUSION

La ventilation au masque est une compétence difficile qui nécessite de vraiment s’y intéresser pour être maitrisée.

La traditionnelle technique « C-E » ne permet pas toujours se sortir de toutes les situations, pour cela la technique « T-E » est toute indiquée avec deux opérateurs.

L’utilisation de l’EtCO2 est obligatoire pour juger de la bonne étanchéité de la ventilation.

Il faut délivrer les ventilations à une fréquence de 10 par minute, en pressant 1/3 max du volume du ballon.

Un bémol : l’arrêt cardiaque.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Beginner Facemask Ventilation Techniques | Emsworld.Com”. EMSWorld.com. N.p., 2016. Web. 17 Mar. 2016.
  2. Gerstein NS, et al. “Efficacy Of Facemask Ventilation Techniques In Novice Providers. – Pubmed – NCBI”. Ncbi.nlm.nih.gov. N.p., 2016. Web. 17 Mar. 2016.
  3. Part 4: Adult Basic Life Support”. Circulation 112.24_suppl (2005): IV-19-IV-34. Web. 17 Mar. 2016.

5 thoughts on “COMMENT EXCELLER À LA VENTILATION AU MASQUE

    1. Bonjour Roger,
      En France, le rôle de l’inhalothérapeute canadien n’existe pas en tant que tel mais ses missions sont assurées par les kinésithérapeutes, les infirmiers aux urgences et aux soins intensifs et les infirmiers anesthésistes au bloc opératoire.
      En Suisse, les physiothérapeutes assurent une grande partie des rôles de l’inhalothérapeute avec une présence aux soins intensifs, aux urgences et parfois même auprès des médecins anesthésistes. Ils n’intubent pas les patients mais les infirmiers anesthésistes le font.
      Nos systèmes de soins, européen et nord-américain, sont différents d’un point de vue organisationnel mais dans la pratique, les soins réalisés aux patients sont identiques.
      Merci de votre commentaire.
      À bientôt.
      Alexandre.

  1. Canule de Wendel : canule naso-pharyngée (elle n’a pas se place chez le traumatisé crânien et/ou facial).

    Amitiés,

    Alexandre

  2. Avec le temps on oublie souvent de simplement décoller la langue, au moment de subluxer la mandibule ou simplement avec le doigt, et pourtant c’est une raison frequente de difficulté.

    Il ne faut pas oublier l’aide parfois supérieure de la bonne vieille Wendel sur la canule de Gueudel. Certaines Wendel peuvent même se connecter au systeme de ventilation et suffisent à ventiler le patient dont on fermera fermement la bouche avec les mains.

    Les autres tips&tricks sont nombreux voir infinis: retourner le masque pointe nasale vers le bas, ventiler la tête du patient tournée lateralement, etc. Il faut aussi s’amuser à ventiler seul à quatres mains avec les techniques de la Cornemuse ou du ballon entre les genoux.
    Bref, venez vous entrainer au bloc. Vous êtes les bienvenus!

    1. Salut Julien,
      Merci de ton commentaire et de tes précisions sur le décollement de langue et la Wendel.
      J’ai moins l’expérience de la dernière personnellement.
      Je pense qu’aller au bloc opératoire est essentiel pour un médecin de l’aigu.
      Ce n’est avec les patients des soins intensifs, des urgences ou du SMUR que l’on pourra parfaire cette technique essentielle.
      Cornemuse ou ballon entre les genoux, j’ai dernièrement ventiler avec le pied tout en tenant le masque à 2 mains.
      Au plaisir de te revoir.
      Alexandre.

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