Le voici!!! Le deuxième post consacré à la capnographie.

Bonne lecture.

RAPPEL PYSIOLOGIQUE

La concentration de CO2 peut être exprimée en fonction du temps ou de volume expiré. Lorsqu’elle est exprimée en fonction du temps, elle peut être divisée en deux segments : inspiratoire et expiratoire.

Le capnogramme est divisé en quatre phases:

  • Phase I : représente la ligne de base inspiratoire, qui doit être stable à zéro.
  • Phase II : est la partie ascendante du capnogramme et correspond à l’apparition du CO2 au début de l’expiration. L’expiration débute un peu avant cette phase car le gaz expiré en début d’expiration est dépourvu de CO2, n’ayant pas participé aux échanges gazeux (espace mort instrumental et anatomique). L’ascension est d’autant plus lente que le poumon est inhomogène et que les alvéoles ont des constantes de temps longues.
  • Phase III : est la phase de plateau qui correspond au gaz riche en CO2 en provenance des alvéoles. La valeur de fin de plateau correspond à la PETCO2 (End Tidal CO2 pressure). Plus la distribution des rapports ventilation alvéolaire/perfusion est homogène, plus le plateau est horizontal.
  • Phase IV : correspond à la descente de la concentration en CO2 et donc au début de l’inspiration.

 

INTUBATION OESOPHAGIENNE

 

Félicitations, vous êtes dans l’œsophage !!!

Il est possible d’obtenir initialement du CO2 dans le tube, ce d’autant quand le patient a été préoxygéné en pression positive (VNI avec AI élevée, favorisant la distension gastrique). Très rapidement les courbes sont de plus en plus plates jusqu’à ce que l’ETCO2 soit à 0. Alors, il faut généralement peu de temps avant que le patient ne désature en raison de l’hypoxémie.

Les autres causes de tracés de capnographie plats sont :

  • Déconnexion du ventilateur
  • Obstruction du tube (bouchon ou patient mordant le tube)
  • Perforation de la sonde d’intubation (le CO2 s’échappe alors par le trou avant d’être capté par le capnographe)
  • Déconnexion ou obstruction du capnographe
  • Arrêt respiratoire et/ou cardiaque
  • Test d’apnée chez le patient en mort cérébrale

 

INTUBATION SÉLECTIVE

Cette courbe bifide représente la ventilation différentielle des deux poumons. Comme la sonde d’intubation est principalement située dans la bronche souche droite, le CO2 y provenant forme la première partie (raide et rapide) de la courbe. Apparaît ensuite une deuxième partie transitionnelle correspondant au CO2 s’échappant doucement du poumon gauche par la sonde d’intubation.

Bien sûr, si le poumon gauche est complétement isolé, on ne verra pas ce type de courbe.

 

BRONCHOSPASME

Voici la courbe classique en dent de scie du patient asthmatique. À mesure que la bronchoconstriction s’aggrave, l’angle alpha s’ouvre et la pente de la phase III devient raide. En cas d’obstruction majeure, l’angle alpha peut disparaître. Cela signifie que l’obstruction bronchique est tellement sévère que l’espace mort n’a pas terminé de se vider que l’inspiration suivante commence.

Au fur et à mesure de la correction du bronchospasme, l’angle alpha réapparaît et la pente de la phase III diminue.

 

OBSTRUCTION MÉCANIQUE DES VOIES AÉRIENNES

En cas d’obstruction des voies aérienne par un obstacle mécanique (comme une grosse tumeur), le flux inspiratoire sera affecté. Ainsi, tant la phase III que la phase inspiratoire seront modifiées et notamment avec une pente moins raide pour la phase IV, indiquant que l’obstruction ne peut être surmontée par la puissance de la turbine du ventilateur.

Ce type de courbe peut être obtenue sans substrat pathologique en augmentant volontairement le temps inspiratoire sur les réglages du ventilateur.

 

INVERSION DE LA PHASE III DANS L’EMPHYSÈME

Dans l’emphysème la pente de la phase III peut s’inverser. La surface d’échange alvéolaire est si pauvre et la compliance des poumons est si anormalement augmentée que les échanges gazeux alvéolaires sont très rapides. Ainsi, la parie de la courbe représentant le mieux la PaCO2 est la portion précoce de la phase III et plus la valeur de l’ETCO2.

Par la suite, le CO2 présent dans le circuit du ventilateur diffuse à reculons vers le patient. Il y a une balance qui se fait entre la valeur la plus haute de CO2 dans les voies aériennes du patient et la valeur la plus basse de CO2 dans le circuit du ventilateur se traduisant par une chute progressive de la concentration de CO2 à proximité du capnomètre.

Ce type de courbe peut également être observée en cas de pneumothorax avec une fuite d’air massive. Cette fuite aspire le CO2 en sens opposé au capnomètre, attirant le gaz frais vers ce dernier.

 

OSCILLATIONS CARDIAQUES

Cette courbe représente les pulsations cardiaques transmises au parenchyme pulmonaire en cas de cardiomégalie.

Les changements de volume pulmonaire ainsi induits sont suffisants pour déplacer une petite quantité de gaz (donc de CO2) créant une sorte de « ventilation » au moment de la phase III.

 

L’ENCOCHE INSPIRATOIRE

L’encoche inspiratoire s’observe en cours de phase III lorsque le patient fait un effort inspiratoire spontané alors qu’il est ventilé en mode contrôlé. Cette effort inspiratoire, non récompensé par une pressurisation , provoque malgré tout le passage de gaz frais par le capnomètre, générant ainsi cette encoche.

 

FAIBLE ETCO2

Ce type de courbe s’observe dans de multiples cas :

  • Hypothermie : le taux de CO2 diminue de 6% pour chaque degré sous 36°C
  • Anesthésie profonde et curarisation : baisse de la consommation d’O2 et donc de production de CO2
  • Bas débit cardiaque en raison d’une diminution de la circulation pulmonaire. Ainsi une baisse de l’ETCO2 peut en autre être un excellent et précoce marqueur de baisse du débit cardiaque.

Récemment, nous avons reçu une patiente aux soins intensifs dans les suites d’un arrêt cardiaque. Elle était intubée, sédatée, ventilé en VAC avec une valeur d’ETCO2 5.6 kPa. Brutalement cette dernière passe à 3.2 kPa, suit une tachycardie, puis une hypotension et seulement ensuite une désaturation. Elle faisait un pneumothorax compressif avec tamponnade gazeuse suite à des fractures de côtes post massage d’où la baisse du débit cardiaque.

Et un petit KT orange en intercostal !!!

 

COMPLIANCE PULMONAIRE ABAISSÉE

Cette courbe est appelée le capnogramme en « queue de cochon ».

Elle se rencontre en cas de compliance pulmonaire très abaissée ou chez la femme enceinte ou le patient obèse (retentissement pulmonaire d’une compliance abdominale diminuée).

Le pic en fin de phase III, juste avant l’inspiration, est dû à la fermeture soudaine des voies aériennes.

Ces poumons peu compliants poussent les derniers millilitres de gaz riche en CO2 des alvéoles avant que le collapsus du parenchyme pulmonaire ferme également les bronchioles et mette fin à l’expiration.

BAISSE BRUTALE DE L’ETCO2

Un blockchocœur m’a récemment fait une réflexion juste sur la baisse brutale de l’EtCO2 et ce à quoi cela pouvait correspondre. Deux situations sont à séparer.

Une PEtCO2 qui passe soudainement d’une valeur positive à 0, sans diminution. Dans ce cas les causes sont les suivantes :

  • Extubation accidentelle,
  • Déconnexion du circuit,
  • Panne du capnomètre.

Une PEtCO2 qui baisse brutalement mais où il est malgré tout possible de voir la décroissance de sa valeur. Dans ce cas les causses sont les suivantes :

  • Embolie pulmonaire,
  • Embolie gazeuse,
  • Baisse du débit cardiaque jusqu’à l’arrêt cardiaque.

BIBLIOGRAPHIE

Thompson, John E., and Michael B. Jaffe. “Capnographic waveforms in the mechanically ventilated patient.” Respiratory care 50.1 (2005): 100-109.

Babik, Barna, et al. “Effects of respiratory mechanics on the capnogram phases: importance of dynamic compliance of the respiratory system.” Crit Care 16 (2012): R177.

4 thoughts on “CAPNOGRAMMES ANORMAUX ET INTERPRÉTATION

  1. Merci et bravo!
    On peut rajouter que la baisse brutale et importante du capno peut correspondre aussi à une embolie gazeuse; Dans les situations à risque c’est très utile!

  2. La baisse brutale du capnogramme doit faire évoquer dans les situarions à risque une embolie gazeuse

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