Dans ce post, nous allons nous intéresser au sevrage de la ventilation mécanique et l’extubation chez le patient BPCO

Physiopathologie de la BPCO

Ventilation Mécanique et BPCO

Définition du sevrage

Le sevrage correspond au processus complet de libération du patient du ventilateur et de la sonde d’intubation. Boles 2007

Ainsi le sevrage correspond à l’association de la déventilation et de l’extubation.

La déventilation n’est donc pas l’extubation.

Le sevrage n’est pas la sevrabilité.

Le sevrage pourra être facile, difficile, prolongé ou impossible.

Le sevrage lorsqu’il échoue impose une reventilation et éventuellement une réintubation.

Il s’agit d’une préoccupation quotidienne, dès la prise en charge initiale de l’insuffisance respiratoire aiguë (IRA).

Problématique générale du sevrage

Retardé inutilement il augmente la durée et la morbi-mortalité de la ventilation mécanique.

Réalisé trop tôt il augmente la morbi-mortalité de la ventilation mécanique.

Le sevrage représente donc un véritable challenge.

Mécanismes d’échec du sevrage

  • Altération de la commande centrale (sédation),
  • Altération de l’échangeur pulmonaire,
  • Facteurs psychologiques (délire, anxiété, dépression),
  • Facteurs métaboliques, nutritionnels et/ou endocriniens,
  • Dysfonction diaphragmatique (neuromyopathies),

Inadéquation de la capacité des muscles respiratoires à supporter la charge ventilatoire imposée

  • Augmentation de la ventilation (fièvre),
  • Augmentation de la charge élastique ou résistive,
  • Hyperinflation dynamique et auto-PEEP,

Inadéquation de la réponse cardiovasculaire par dysfonction VG :

  • Variations brutales des conditions de pré et postcharge du VG (OAP),
  • Ischémie myocardique.

Ces mécanismes d’échec du sevrage peuvent se rencontrer en cas de sevrage de la ventilation mécanique d’un patient BPCO.

Mécanismes d’échec de l’extubation

  • Dysfonction VG,
  • Hypoxémie, atélectasies,
  • Trouble de la conscience, encéphalopathie,
  • Facteurs psychologiques (délire, anxiété, dépression),
  • Facteurs métaboliques, nutritionnels et/ou endocriniens,
  • Obstruction et/ou augmentation des résistances des voies aériennes supérieures (oedème, inflammation),
  • Encombrement bronchique,
  • Trouble de la déglutition,
  • Paralysie et/ou dysfonction diaphragmatique.

Ces 9 mécanismes d’échec de l’extubation peuvent se rencontrer en cas d’extubation d’un patient BPCO mais ceux qui se rencontreront particulièrement sont les 4 derniers.

Stratégie globale de sevrage de la ventilation mécanique

Sédation / Désédation

Il ne peut être envisagé de sevrabilité sans désédation adéquate. Le couple Désédation/Sevrabilité est absolument indissociable.

C’est en partie l’une des raisons pour lesquelles la désédation de nos patients de réanimation doit être envisagée au minimum une fois par jour.

Sevrabilité 

La sevrabilité a été définie par Ely en 1996 comme l’association d’un DST positif et de 2 heures de VS.

Le DST ou Daily Screening Test comprend :

  • PaO2/FiO2 > 200 mmHg ou > 26.5 kPa,
  • PEEPe ≤ 5 cmH2O,
  • FR/Vt < 105 cycles/min.L-1,
  • Pas de sédation,
  • Pas de vasopresseurs,
  • Toux efficace.

L’association de ces deux facteurs diminuait le taux de complications comprenant les réintubation et les durées de ventilation mécanique supérieures à 21 jours.

La XXIème conférence de consensus de réanimation sur le sevrage de la ventilation mécanique de 2001 divise les critères de sevrabilité en 3 types de critères :

Critères respiratoires

  • FiO2 < 0.5 ou PaO2/FiO2 ≥ 150 mmHg ou 20 kPa,
  • PEEPe ≤ 5 cmH2O,
  • FR/Vt < 105 cycles/min.L-1 ou < 85 cycles/min.L-1 chez le BPCO (ce dernier critère respiratoire n’étant pas obligatoire).

Critères généraux 

  • Absence de sédation OU bon état de vigilance sous sédation,
  • Stabilité de l’état cardiovasculaire et absence OU faibles doses de vasopresseurs,
  • Toux efficace ET absence d’encombrement bronchique.

Autres critères 

  • Guérison de l’épisode aigu,
  • Température < 38.5°C,
  • Hémoglobine > 70 g/L
  • Absence d’acidose majeure
  • Correction des désordres hydro-électrolytiques.

En pratique, la cause est corrigée, la commande ventilatoire fonctionne, l’oxygénation est suffisante et on note l’absence de désordres extra-respiratoires majeurs ou non contrôlés.

Épreuve de ventilation spontanée :

Il s’agit du meilleur test diagnostic de réussite de l’extubation qui comme nous l’avons vu lors du post du 12 décembre 2016 doit être pratiqué chez tous les patients intubés depuis plus de 48 heures.

70 à 80% des patients seront sevrés au premier essai de cette épreuve. 20 à 30% donc nécessiteront au moins deux épreuves. Moins de 10% en auront plus de trois. On note quand même 5% d’échec au sevrage (auxquels appartiennent beaucoup de patients BPCO).

Son déroulement

Il nécessite une explication au patient que l’on positionnera demi-assis, après aspiration trachéo-bronchique et selon deux modalités :

  • Épreuve sur tube en T,
  • Épreuve en VS-AI.

Différence entre l’épreuve en T et celle en VS-AI 

Il n’y a pas de différence en terme de réussite entre ces deux épreuves de ventilation spontanée. Mais la VS-AI permet des mesures spirométriques, un contrôle précis de la FiO2 et une surveillance plus étroite du patient.

Le réglage de la VS-AI

  • Aide Inspiratoire
  • 5 à 8 cmH2O chez le sujet sain,
  • 10 à 12 cmH2O chez le patient BPCO,
  • PEEPe à 0 cmH2O.

Réglage des alarmes

  • Fréquence respiratoire maximale à 35/min,
  • Ventilation d’apnée.

Sa durée

  • Elle est définie au préalable.
  • 30 minutes au minimum,
  • 120 minutes chez le BPCO,
  • 12 heures dans les insuffisances respiratoires restrictives d’origine neuromusculaire.

La surveillance

  • Rapprochée,
  • Avec un réglage des alarmes du ventilateur et du scope,
  • Avec une recherche attentive des critères de mauvaise tolérance,
  • Avec aspirations trachéo-bronchiques.
PARAMÈTRES
CRITÈRES D’ARRÊT DE L’ÉPREUVE
SpO2
< 90% ou < 88% si BPCO
Fréquence respiratoire
≥ 35 /min
Fréquence cardiaque
Variation de plus ou moins 20%
Pression Artérielle Systolique
Variation de plus ou moins 20%
Vigilance
Trouble de la vigilance
Comportement
Anxiété, agitation
Sueurs
Présence

Arrêt de l’épreuve

Il faut arrêter l’épreuve de VS s’il y a la présence d’un ou plusieurs critères de mauvaise tolérance.

Alors il faut vérifier la perméabilité de la sonde, prélever des gaz du sang artériel et rechercher une cause.

Il y a deux possibilités pour reventiler le patient 

On peut augmenter l’AI jusqu’à obtenir une FR entre 20 et 30 /min puis la diminuer progressivement par la suite.

On peut remettre le patient en ventilation contrôlée et lui laisser le temps de récupérer de l’épreuve de VS.

La recherche des pré-requis de sevrabilité devra être au moins quotidienne et lorsqu’à nouveau réunis, une nouvelle épreuve de VS devra être tentée.

Les causes d’échec du sevrage chez le patient BPCO 

Nous les avons évoquées plus haut mais nous les retransposons :

  • Inadéquation capacité des muscles respiratoires à supporter la charge ventilatoire imposée :
  • Augmentation de la ventilation (fièvre),
  • Augmentation de la charge élastique ou résistive,
  • Hyperinflation dynamique et auto-PEEP,
  • Inadéquation de la réponse cardiovasculaires par dysfonction VG :
  • Variations brutales des conditions de pré et postcharge du VG (OAP),
  • Ischémie myocardique.

En pratique, le sevrage du patient BPCO est identique à celui de tout patient bien que ce ne soit pas un patient comme les autres.

En effet, il s’agit souvent d’un patient comorbide avec une physiologie respiratoire modifiée comme nous l’avons déjà vu.

Il devra donc y avoir une attention particulière portée sur :

  • La réduction maximale du travail respiratoire avec bien évidemment le traitement de la cause de l’exacerbation aiguë,
  • Le traitement de tout bronchospasticité avec les bronchodilatateurs inhalés et les corticoïdes,
  • Un réglage précis de la ventilation en VS-AI avant épreuve de sevrage.

Ce dernier point est évidemment essentiel et nécessite un post à part entière.

Retenons juste que les réglages de la ventilation doivent absolument prendre en compte :

  • L’auto-PEEP avec un réglage adapté d’une PEEPe en conséquence,
  • La recherche d’efforts inspiratoires non récompensés par une pressurisation et le réglage du trigger inspiratoire en conséquence,
  • La vitesse de pressurisation ou temps inspiratoire,
  • Le juste niveau d’AI pour permettre la prise d’un volume adapté au patient, en sachant pour pour l’épreuve de VS du BPCO, l’AI peut être plus importante,
  • La recherche et la correction d’une hyperinflation dynamique en agissant sur la consigne de cyclage (ou trigger expiratoire). En effet, en VS il n’est pas possible de prolonger l’expiration mais l’inspiration peut être raccourcie. Les ventilateurs ont généralement un consigne de cyclage réglée à 25%. Elle devra donc être augmentée chez le patient BPCO,
  • Enfin il est important de rechercher, d’identifier et de corriger les asynchronies patient-respirateur généralement source d’un effort respiratoire plus important.

 

Considérons toujours que même chez le BPCO, entre les poumons malades il y a un coeur, souvent malade aussi.

Ainsi, il faudra travailler à mettre nos patients dans des conditions où les interactions coeur-poumons ne seront pas à l’origine d’un échec de la sevrabilité et de la prolongation de la ventilation mécanique :

  • Importance de l’échocardiographie avant sevrage et extubation,
  • Importance de la correction d’une anémie, d’une hypoprotidémie et du dosage éventuel du BNP à la fin de l’épreuve de VS

Importance de l’amélioration des conditions de charge du ventricule gauche :

  • Euvolémie avec utilisation de diurétiques,
  • Vasodilatateurs par dérivés nitrés ou IEC pour réduire les résistances vasculaires périphériques et la postcharge du VG.
  • Lorsque les conditions de sevrage sont remplies par le patient, vient le temps de l’extubation.

L’extubation du patient BPCO :

L’extubation consiste à l’ablation de la sonde d’intubation. Elle n’est pour autant pas synonyme de sevrage de la ventilation mécanique.

Elle doit suivre les mêmes étapes que celles décrites dans le post du 12 décembre 2016.

Chez le patient BPCO, la VNI peut et doit être envisagée comme une thépeutique suivant l’extubation. Ainsi elle permet la réussite de l’extubation même quand le sevrage de la ventilation mécanique n’était pas complètement atteint.

Ainsi, on peut prévenir l’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) post-extubation avec de la VNI préventive.

Les facteurs de risque d’échec de l’extubation par IRA sont :

  • Âge > 65 ans,
  • Score APACHE II > 12 le jour de l’extubation,
  • Insuffisance cardiaque,
  • Plus d’une comorbidité (autre que l’insuffisance cardiaque, dont la BPCO),
  • Plus d’un échec consécutif à une épreuve de sevrage,
  • Toux inefficace,
  • Stridor post-extubation,
  • Obésité avec IMC > 35.

Comme nous l’avons vu précédemment, les mécanismes d’échec de l’extubation sont :

  • Obstruction et/ou augmentation des résistances des voies aériennes supérieures (oedème, inflammation),
  • Encombrement bronchique,
  • Trouble de la déglutition,
  • Paralysie et/ou dysfonction diaphragmatique.

Ainsi la prise en charge doit être :

  • Traitements bronchodilatateurs inhalés et systémiques et corticoïdes,
  • Physiothérapie/kinésithérapie respiratoire avec désencombrement, mobilisation diaphragmatique,
  • Réhabilitation motrice précoce.

Conclusion

Le sevrage de la ventilation mécanique chez le patient BPCO est de principe difficile.

Difficile en raison des modifications physiopathologiques de la mécanique respiratoire et des spécificités qu’elles impliquent chez ces patients souvent polymorbides.

Le sevrage de la ventilation mécanique chez le patients BPCO impose :

De se préoccuper quotidiennement de la sevrabilité,

D’accorder toute l’importance à la première épreuve de VS et d’évaluer sa tolérance sur une période plus longue que chez le patient non BPCO,

De toujours établir un bilan d’échec avec la recherche des causes,

De préférer une épreuve de VS avec AI et/ou PEEPe en optimisant les réglages,

D’accorder une place prépondérante à la VNI post-extubation.

Une chose est sûre c’est qu’il faut toujours peser les bénéfices/risques avant d’intuber un patient BPCO qui présente une exacerbation aiguë.

En effet, le sevrage est le plus souvent difficile et grève franchement le pronostic du malade.

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