Comme nous l’avons vu lors des posts précédents, nous devons allier Lung-Protective Ventilation et Diaphragm-Protective Ventilation.

COMMENT ?

  • En minimisant le stress et la tension (Stress et Strain) que la ventilation mécanique applique sur les poumons (= Lung-Protective Ventilation),
  • En préservant et optimisant une activité musculaire diaphragmatique et la synchronie patient-ventilateur (= Diaphragm-Protective Ventilation).

LUNG-PROTECTIVE VENTILATION : VILI ET P-SILI

La Lung-Protective Ventilation (L-PV) du patient sous ventilation mécanique est bien connue et ne sera pas plus développée ici.

Son but : limiter les VILI (Ventilator-Induced Lung Injuries) en limitant la sur-distension (volo et barotraumatisme) et en luttant contre l’atelectraumatisme induit par la fermeture cyclique de l’alvéole.

La L-PV est également mise en avant pour prévenir les P-SILI (Patient Self-Inflicted Lung Injury).

 

EN APPARTÉ

Cette entité est très à la mode en ce moment. Bien qu’elle pourrait avoir un fondement physiopathologique séduisant, son existence n’est pour le moment pas prouvée chez l’homme.

Guillaume Carteaux s’y est intéressé en l’abordant par l’aspect du volume courant (Vt). Il a ainsi mise en évidence que la VNI échouait (avec donc un recours à l’intubation et à la ventilation mécanique) lorsque que le Vt des patients souffrant d’une insuffisance respiratoire aiguë hypoxémiante sévère (PaO2/FiO2 < 200 mmHg) était supérieur à 9,5 ml/kg de poids prédit. Bien qu’il y ait certaines limitations à l’étude, il est intéressant de voir que le développement de lésions pulmonaires pourraient survenir dans un contexte de ventilation spontanée.

Derrière ces P-SILI se cache aussi un enjeu de validation de stratégie de prise en charge des patients COVID-19. En effet les P-SILI sont un argument pour une intubation très précoce alors que leur remise en question permet de ventiler de manière non invasive les patients. C’est le combat d’idée Première Vague vs Deuxième Vague. Et il est agité ce combat, à la lecture des invectives régulières entre Luciano Gattinoni et Martin Tobin dans Intensive Care Medicine et Annals of Intensive care Medicine.

Ce sont d’ailleurs les auteurs du COVID-ICU group par l’intermédiaire du REVA network qui vont s’intéresser au timing de l’intubation chez les patients COVID-19. À suivre…

Encore une fois, je pense qu’il peut être intéressant faire de la médecine de bon sens. Autant, il est clair que d’intuber des patients sous 6 L/min était précipité. Maintenant laisser des patients sous Optiflow ou CPAP pendant des jours à 35 de fréquence respiratoire avec des Vt a 10 ml/kg de poids prédit n’est peut-être pas non plus ce qu’il y a de mieux à faire.

La vérité pourrait, comme souvent, se trouver entre les deux. Nous y reviendrons dans un prochain post…

 

DIAPHRAGM-PROTECTIVE VENTILATION

La dysfonction diaphragmatique induite par la ventilation mécanique peut résulter soit d’efforts inspiratoires excessifs soit au contraire insuffisants. Trouver le juste équilibre est difficile, ce d’autant que la valeur de ces derniers n’est pas clairement définie.

Doser les efforts inspiratoires peut passer par les réglages du ventilateur en optimisant les pressions et débit inspiratoires, en changeant le mode ventilatoire et/ou en agissant sur la profondeur de la sédation.

Tom Schepens propose que ces efforts inspiratoires soit similaires à ceux de sujets sains avec une respiration de repos, c’est-à-dire une pression musculaire (Pmus) de l’ordre de 5 à 10 cmH2O.

Pour rappel, cette pression musculaire s’intègre dans l’équation du mouvement du système respiratoire du patient en ventilation spontanée selon la formule suivante :

Paw + Pmus = Po + (R x Q) + (Vt/C)

Paw = pression dans les voies aériennes,

Pmus = pression exercée par les muscles inspiratoires (le diaphragme essentiellement),

P0 = pression alvéolaire lorsque que le débit est égal à 0,

(R x Q) = pression résistive où R est la résistance des voies aériennes et Q le débit dans les voies aériennes,

(Vt/C) = pression élastique où Vt est le volume courant et C la compliance du système respiratoire.

Avec une Pmus de 5 à 10 cmH2O, la consommation du diaphragme en oxygène reste minime. L’action de cette activité musculaire sur d’éventuelles unités pulmonaires atélectasiées au contact du diaphragme n’entrainera pas d’augmentation significative du stress et de la tension sur les unités pulmonaires adjacentes. Ce niveau de pression permet donc d’éviter les lésions d’atrophie comme celles de charge excentrique excessive.

 

PROTÉGER LES POUMONS ET LE DIAPHRAGME EN RECRUTANT LE POUMON RECRUTABLE

Alors que les P-SILI représentent un débat récent, celui de la « best PEEP » est beaucoup plus ancien.

Cette best PEEP doit permettre de lutter contre l’atelectraumatisme mais également contre les inhomogénéités pulmonaires en recrutant « du poumon recrutable ».

Bien qu’aucune stratégie de détermination de la juste PEEP ne soit supérieure à une autre, c’est certainement en la titrant de manière individualisée qu’elle pourra être trouvée.

C’est vrai lors de la ventilation contrôlée mais également en ventilation spontanée.

En ventilation spontanée, la PEEP pourrait permettre de « protéger » le poumon comme le diaphragme :

  • Elle permet de recruter du poumon, rendant le volume pulmonaire disponible pour la ventilation plus important et diminuant donc le stress pour un même Vt (L-PV),
  • Elle permet de lutter contre les inhomogénéités pulmonaires et de réduire le stress et la tension régionale (L-PV),
  • Elle permet de réduire la variation de pression pleurale générée par le diaphragme et ainsi les dysfonctions diaphragmatiques concentriques induites par des charges excessives (D-PV),
  • Elle permet de réduire, lorsqu’elle est plus élevée, les dysfonctions diaphragmatiques excentriques en atténuant le phénomène de « expiratory breaking » (D-PV).

CONCLUSION

Intégrer cette notion de Diaphragm-Protective Ventilation à nos prises en charges standards n’est finalement pas si compliqué. Cela nécessite par contre de bien cerner le type de SDRA devant lequel on se trouve, en termes de gravité notamment.

Cette D-PV requiert la mise en jeu d’efforts inspiratoires propres par le patient et ainsi d’agir sur la sédation et les réglages de la ventilation (synchronie patient-ventilateur). L’équilibre peut être complexe à trouver mais la réflexion doit être menée.

Les deux premiers articles du paragraphe « RÉFÉRENCES » permettent d’approfondir ces notions, d’établir une stratégie initiale et listent les moyens de monitorage.

 

RÉFÉRENCES

  • Schepens, T. et al. Lung- and Diaphragm-protective Ventilation in ARDS. Anesthesiology 2019; 130:620-33
  • Goligher, EC et al. Clinical strategies for implementing lung and diaphragm-protective ventilation: avoiding insufficient and excessive effort. Intensive Care Med.
  • Carteaux, G. et al. Failure of noninvasive ventilation for de novo acute hypoxemic respiratory failure: role of tidal volume. Crit Care Med. 2016;44(2):282–90
  • Tobin, MJ. et al. Caution about early intubation and mechanical ventilation in COVID-19. Intensive Care 10, 78 (2020)
  • Schmidt, M. et al. Clinical Characteristics 1 and Day-90 Outcomes of 4,244 critically ill adults with COVID-19: a prospective cohort study. Intensive Care Medicine (2020).

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