INTRODUCTION

Lorsque nous nous sommes réintéressés à l’oxygénation apnéïque il y a quelques semaines, il nous a semblé pertinent de correctement définir la Préoxygénation avec un grand P pour les patients nécessitant une intubation trachéale pour ventilation mécanique.

Nous avons retenu la définition suivante établissant que la PRÉOXYGÉNATION s’étend du moment où l’on pose le masque sur le visage du patient jusqu’au lancement de la ventilation mécanique en y intégrant donc l’attente de l’efficacité de la curarisation et la période d’apnée pendant la laryngoscopie et la mise en place du tube endotrachéal.

Nous avions donc proposé ce schéma :

C’est ainsi que le quadriptyque PreOx / FollOx / ApOx / ReOx est né s’inspirant du triptyque défini par Scott Weingart PreOx / ApOx / ReOx.

Nous n’inventons rien, tous les concepts abordés sont parfaitement décrits et testés. Mais c’est leur association pour en faire une séquence claire à la manière d’une aide cognitive qui pourrait être novateur et permettre une efficacité plus importante dans la prise en charge de patients complexes.

Comme toutes nouvelles séquences, il faut s’y entrainer.

Et je pense que le bloc opératoire est le lieu idéal. Pourquoi ? Parce que les patients pris en charge sont la plupart du temps stables sur le plan respiratoire et hémodynamique et que l’environnement est ergonomiquement parfaitement agencé (disponibilité du matériel, table d’opération permettant une position optimale du patient et de l’intubateur, maitrise des dispositifs d’aide à l’intubation, expertise de l’intubateur pour la gestion des intubations techniquement difficile).

Une fois familiarisé aux temps de la séquence, son utilisation dans tous les contextes (soins intensifs – réanimation, service d’urgence, aire de déchocage et bloc d’urgence) n’en sera que plus facile pour les patients qui en ont réellement besoin.

En n’oubliant jamais que dans ces contextes, les patients seront difficiles à intuber techniquement (mauvaise installation, régurgitation gastrique, hémoptysie…) mais également difficile à intuber « médicalement » ou « physiopathologiquement » car instable (hypoxémie, hypercapnie, acidose, en état de choc…). Alors, dans ces cas la réanimation avant intubation sera essentielle et la bonne connaissance du quadriptyque permettra de nous libérer de la charge cognitive pour agir plus efficacement.

Comme un post pour résumer, reprenons les 4 points de la séquence.

 

PREOX

  • Objectif de la PreOx:

    • Oxygéner et dénitrogéner la CRF
    • Permettre un recrutement alvéolaire avec de la pression positive
    • Réduction de la fraction de shunt et amélioration de l’interface A-a
    • Réduction de la VO2
  • Comment mener la PreOx:

    • BiPAP : VS-AI-PEEP
    • Le patient est en ventilation spontanée
    • L’aide inspiratoire réduit le travail respiratoire (WOB)
    • La PEEP réduit la fraction de shunt, réduit le gradient A-a (augmente l’efficacité de l’ApOx) et augmente l’efficacité du réservoir d’O2 pour saturer l’hémoglobine
  • Réglages:

    • Initiation douce pour le patient. Le but est qu’il l’accepte.
    • Débuter avec une AI à 0 et une PEEP à 3 cmH2O
    • En fonction de la tolérance, augmenter l’AI jusqu’à 3-5 cmH2O et la PEEP jusqu’à 10-12 cmH2O
    • Trigger Inspiratoire ni trop dur ni trop léger (1 à 3 L/min)
    • Trigger Expiratoire adapté au patient
  • Pendant ce temps…:

    • La réanimation se poursuit(remplissage, amines vasoactives…)
    • Bonne installation du patient (position assise, ramped-position)
    • Préparation des médicaments
    • Préparation du matériel pour l’intubation et pour l’oxygénation apnéïque (c’est rapide mais il faut attendre que ça chauffe…)
    • Positionnement des lunettes d’HFNC sur le front du patient en attendant les nouvelles de Fischer et Paykel avec une valve de surpression
  • Injection de l’hypnotique et du curare.

 

FOLLOX

  • Objectifs de la FollOx :

    • Poursuivre l’oxygénation en attendant l’action du curare
    • En appliquant de la pression positive pour prévenir la désaturation
    • Maintenir une fraction de shunt et un gradient A-a les plus bas possibles
    • Prise en compte du risque de régurgitation gastrique pour utiliser les bons réglages de délivrance de la pression positive
    • Garantir l’efficacité de l’ApOx en gardant une fraction de shunt la plus basse possible
  • Comment mener la FollOx:

    • BAVU + PEEP valve :

      • BAVU = Ballon Autoremplisseur à Valve Unidirectionnelle (BVMBag Valve Mask anglo-saxon)

      • PEEP valve.
        • Cette valve se monte directement sur la valve-patient de l’insufflateur sans raccord supplémentaire. Elle permet un réglage de PEEP de 1.5 à 20 cmH2O
        • Certaines sont réutilisables une trentaine de fois
        • Elles peuvent être nettoyées et désinfectées manuellement ou stérilisées

      • Réglages:
        • PEEP = 10 cmH20
        • Vt minimal. Le but, dans l’attente de l’action du curare n’est pas de décarboxyler mais de continuer à oxygéner en appliquant de la pression positive. Par la PEEP et par une Pression Inspiratoire (PI). Idéalement la PI doit être inférieure à 5 cmH2O pour ne pas outrepasser la compétence du sphincter supérieur de l’œsophage
        • FR= 8 à 10 /min
      • Intérêts de cette technique :
        • Moins de manipulation du ventilateur. Après l’avoir utilisé pour la BiPAP de la PreOx, un assistant peut le régler pour la ventilation mécanique une fois le patient intubé
        • Adaptation plus douce à la ventilation spontanée du patient. En effet, la perte de la VS peut prendre quelques secondes. Ainsi, il est possible de ne délivrer que la PEEP en attendant la perte totale de la VS
      • Inconvénient de cette technique :
        • Pas de mesure précise de la Pression Inspiratoire. Avec une PEEP à 10 cmH2O, avoir une pression inspiratoire inférieure à 5 cmH2O est important. Le risque de régurgitation gastrique est très nettement inférieur à celui de la désaturation mais existe bel et bien
      • Ventilation à 4 mains. Les mains de l’intubateur qui tiennent le masque pour être hermétique, les mains de l’assistant qui délivre la pression
    • Vent as bag ou ventilateur comme un ballon:

      • C’est le respirateur qui travaille
      • Réglages:
        • Ventilation en pression contrôlée (VPC)
        • PEEP = 10 cmH2O
        • PI = 3 à 5 cmH2O
        • FR = 8 à 10 cmH2O
      • Intérêts de cette technique :
        • Respect strict de la pression inspiratoire maximale de 15 cmH2O pour la prévention de la régurgitation gastrique
        • Diminution de la charge cognitive et possibilité de se concentrer sur l’environnement
      • Inconvénients de cette technique:
        • Plus de manipulation du ventilateur avec la nécessité de passer d’un mode VNI à un mode VPC lors de l’injection de l’hypnotique et du curare
        • Pas d’adaptation initiale avant la perte de la VS du patient
  • Pendant ce temps…:

        • La réanimation se poursuit (prise en compte de la pression positive dans l’obstacle au retour veineux et l’éventuelle chute du débit cardiaque)
        • Préparation du positionnement des lunettes de l’OHD

 

APOX

  • Objectifs de l’ApOx:

    • Conserver une haute concentration en O2 dans les VAS (PVASO2 haute)
    • Miser sur l’effet d’aspiration de l’O2 des VAS jusque dans les alvéoles
    • Cette aspiration peut attendre jusqu’à -20 cmH2O
    • L’ApOx sera d’autant plus efficace que :
      • Les alvéoles ont été recrutées (par la BiPAP au cours de la PreOx et la pression positive appliquée au cours de la FollOx)
      • La fraction de shunt a été diminuée
    • L’ApOx sera quoiqu’il arrive efficace sur les alvéoles libres
  • Comment mener l’ApOx:

    • Avec l’oxygénothérapie à haut débit (OHD) ou HFNC (High Flow Nasal Canula)
    • Cette OHD permettra une oxygénation pendant la laryngoscopie
    • En l’absence d’OHD, l’utilisation de lunettes nasales simples avec le débit d’O2 peut être une alternative
  • Réglages OHD :

    • Débit = 70 L/min
    • FiO2 = 100%
    • = 37°C
    • À positionner dans les narines du patient dès que le masque est enlevé pour effectuer la laryngoscopie
  • Limites de l’OHD:

    • Très nette surestimation de l’effet PEEP de l’OHD
    • Rapide augmentation de la PaCO2 (1 à 3.5 mmHg/min)
    • Nécessité d’avoir des VAS libres
    • Efficacité uniquement sur les alvéoles libres ou recrutées au cours de la PreOx et FollOx
    • Ne permet pas de diminution de la fraction de shunt
  • À maintenir tout au long de la laryngoscopie jusqu’à la mise en place du tube endotrachéal

REOX

  • Définition:

    • Échec de l’intubation endotrachéale
    • Désaturation critique du patient
    • Arrêt de la laryngoscopie, et réoxygénation
  • Comment ?:

    • Avec BAVU + PEEP valve
    • Avec ventilateur en VPC
  • Mise en route de l’algorithme d’intubation difficile

    • Oxygénation possible + Intubation impossible
    • Oxygénation impossible + Intubation impossible
    • Les meilleures guidelines actuelles selon nous sont les suisses.
      • Algorithme complet reposant sur des aides cognitives précises
      • Prise en compte des compétences non techniques
      • Approche bien plus fluide avec plusieurs façons d’entrer dans l’algorithme

 

CONCLUSION

Vous l’aurez compris, rien de nouveau mais une redéfinition et une réorganisation de la manière de penser la Préoxygénation, de la prise de décision d’intuber le patient jusqu’à brancher la ventilation mécanique.

Il nous semble important d’utiliser les bons termes pour ce qui conditionne l’absence de désaturation au cours de l’intubation : FollOx pour la poursuite de l’oxygénation bien plus que la ventilation pour décarboxylation.

N’hésitez pas à réagir à ce post, nous serons heureux d’échanger avec vous.

À bientôt sur blockchoc.org et sur le terrain.

 

Quelques liens intéressants :

EMCrit 206 – ApOx, ENDAO, & PreOx Update

Preoxygenation, Reoxygenation and Deoxygenation

http://vortexapproach.org/o2continuum#preox

 

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