SECOURS OPTIMISATION STABILISATION – DÉSESCALADE
Voici un article intéressant de Septembre 2014, paru dans le British Journal of Anaesthesia.
La “Thérapie Liquide intraveineuse” ou TLiv (dont fait partie le “Remplissage”) joue un rôle fondamentale dans le traitement des patients hospitalisés.
Alors qu’elle peut leur sauver la vie, la littérature récente montre qu’elle n’est pas sans risque.
Les auteurs rapportent que 20% des patients recevraient cette TLiv de manière inappropriée.
Ils proposent donc un modèle où la TLiv est considérée comme un médicament avec des relations dose-réponse et des effets indésirables.
Ils suggèrent qu’une TLIv individualisée permettrait de réduire les risques chez les patients.
Contexte
La TLiv est l’un des traitements les plus utilisé à l’hôpital. Chez les patients de soins intensifs, le “remplissage” faisant partie de cette TLiv, se rencontre fréquemment au cours de la gestion de l’hypovolémie sévère, du sepsis avec instabilité hémodynamique ou oligurie ou les deux.
Cette TLiv peut améliorer le pronostic mais est parfois prescrite avec un manque de considération de son potentiel délétère.
Cela va d’une TLiv insuffisante conduisant à une hypoperfusion tissulaire à une TLiv excessive conduisant à l’œdème tissulaire et aux désordres électrolytiques.
Il en résulte de hauts niveaux de morbidité, des séjours en réanimation prolongés et même une mortalité augmentée.
Les effets indésirables du “sur-remplissage” sont la dysfonction d’organe (poumons, cerveau, reins), hypo et hypernatrémie, l’acidose métabolique hyperchlorémique, les anomalies de la crase, un besoin augmenté de transfusion de produits sanguins labiles.
→Pour cette raison, considérons la TLiv comme un traitement à part entière.
Ainsi, les effets secondaires dépendent de la dose et du type de TLiv administrée et du contexte dans lequel elle est donnée.
3 questions posées au groupe de travail participant à l’étude
- Définir les objectifs de la TLiv.
- Identifier le monitorage du besoin en TLiv et ses effets (en incluant les nouvelles et plus anciennes techniques).
- Identifier les spécificités de la TLiv dans différents contextes : pré-hospitalier, aux urgences, en per-opératoire et aux soins intensifs.
Résultats de la concertation du groupe de travail
- Nécessité de définir une terminologie pour définir les TLiv.
- Nécessité de définir de manière précise les situations cliniques dans lesquelles une TLiv doit être administrée.
Ces définitions portent sur la phase aiguë d’utilisation des TLiv, avec les notions d’escalade et de désescalade.
Définitions
Considérations de TEMPS
Temps de réanimation : administration de TLiv pour la gestion immédiate d’un risque vital avec mauvaise perfusion tissulaire.
Temps de titration : ajustement de la TLiv en la choisissant de manière adaptée et pour permettre l’optimisation de la perfusion tissulaire.
Temps de désescalade : diminution de l’administration de la TLiv, remobilisation d’un troisième secteur pour optimiser la balance hydrique.
Terminologie : (pour les trois premiers termes, je vous propose de les laisser en anglais car ils sont particulièrement représentatifs)
- Fluid bolus : remplissage vasculaire pour corriger le choc hypotensif. Typiquement au moins 500 ml en moins de 15 minutes.
- Fluid challenge : 100 à 200 ml sur 5 à 10 minutes avec réévaluation pour optimiser la perfusion tissulaire.
- Fluid infusion : administration continue d’une TLiv pour maintenir l’homéostasie, compenser les pertes, prévenir une dysfonction d’organe (hydratation avant injection de produits de contraste iodé par exemple).
- Entretien : administration d’une TLiv lorsque que le patient ne peut pas subvenir à ses besoins de base par voie per os. Chez un patient sans pertes actives (drains, redons…) cela représente 1 à 2 ml/kg/h.
- Balance journalière : somme de tous les apports et de toutes les pertes sur 24 heures.
- Balance cumulative : somme de tous les apports et de toutes les pertes sur une période donnée.
- Surcharge : balance cumulative exprimée en fonction du poids de base. Une surcharge > 10% est associée à de mauvais outcomes.
4 étapes de la TLiv ou phases SOS-D
Phase de SECOURS
Phase de menace vitale immédiate liée au choc (TAM effondrée, mauvaise perfusion tissulaire, ou les deux),
Utilisation de la TLiv FLUID BOLUS, comme décrite avant.
Phase d’OPTIMISATION
Plus de menace vitale immédiate mais une phase précoce de compensation du choc (à grand risque de nouvelle décompensation),
Toute nouvelle TLiv est donné plus précocieusenement et de manière titrée,
But : optimiser la fonction cardiaque pour améliorer la perfusion tissulaire et limiter la dysfonction d’organe.
Utilisation de la TLiv FLUID CHALLENGE, comme décrite avant.
La différence avec la phase de secours réside dans le fait que cette phase est considérée comme un test où les effets de la TLiv sont évalué plus précisément car administrée plus lentement afin de prévenir un état de surcharge.
Phase de STABILISATION
Phase où le patient est stable,
Où la TLiv doit être utilisée pour prévenir les pertes (rénales, gastro-intestinales, insensibles) mais également comme FLUID INFUSION si les pertes du patient sont dues à une pathologie non résolue,
Cette phase est différentes des deux première car il n’a pas de choc, ou de risque de repartir en choc.
Phase de DÉSESCALADE
Le but de cette phase est d’obtenir une balance cumulative négative,
En “recrutant” les œdèmes du patient et/ou en utilisant des diurétiques.
Phase de SECOURS
- Association de paramètres cliniques et hémodynamiques au pied du patient,
- Pas de moyen plus complexe recommandé telle que l’échocardiographie,
- Médecin au pied du malade pour les réévaluations de la TLiv FLUID BOLUS et l’observation constante de la situation hémodynamique du patient afin de gérer la menace vitale immédiate et prévenir un “sous” traitement.
Une fois que le patient est « secouru », il peut et doit être évalué plus précisément : échocardiographie, PVC et/ou ScvO2, cathéters…
Ces paramètres doivent assurer la transition entre la phase de SECOURS et celle d’OPTIMISATION.
Phase d’OPTIMISATION
L’objectif n’est plus seul centré sur la sortie de la menace vitale immédiate,
Mais d’assurer la délivrance de sang oxygéné aux organes à risque.
Phases de STABILISATION et de DÉSESCALADE
Le patient n’est plus un patient « réanimatoire ».
La surveillance et donc standard.
Monitorage minimum pour chaque phase de la TLiv
Monitorage optimal à chaque phase de la TLiv
Conclusion
Cette approche permet une évaluation plus individualisée des besoins en TLiv pour chaque patient, une administration guidée par le temps de la réanimation et une réévaluation régulière de la réponse à la TLiv et aux nouveaux besoins.
Sortir du concept d’une “recette” applicable à tous les patients, surtout chez nos patients de soins intensifs.
Le concept peut paraître simpliste mais il a l’avantage de tenter de standardiser notre terminologie pour une approche individualisée.
Cela a le mérite d’attirer notre attention sur la justesse de nos prescriptions en imposant une réflexion avant la prescription d’un “remplissage”.
Pour que le fameux “Passe lui 500 cc et on voit…” ne soit plus dit entre deux portes mais après une réflexion simple et rapide de la phase dans laquelle on se trouve afin d’éviter des balances cumulatives super positives…