INTRODUCTION

Une préoccupation importante avant toute intubation trachéale est le risque de survenue d’une régurgitation massive avant d’avoir sécurisé les voies aériennes. Nous en avions parlé dans le post « QUAND AVEZ-VOUS MANGÉ LA DERNIÈRE FOIS ? ».

En anesthésie élective, l’anticipation de ce risque fait partie de la checklist pré-intubation avec :

  • La vérification du respect des conditions de jeûne:
    • 6 heures pour les solides,
    • 2 heures pour les liquides clairs.
  • L’identification des situations à risque:
    • L’absence de jeune ou « estomac plein »,
    • Les pathologies digestives responsables d’une altération du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage ou d’une diminution de la vidange gastrique,
    • Les pathologies neurologiques avec une altération de la conscience (traumatisme, infection, métabolique, toxique),
    • La grossesse,
    • La chirurgie en urgence,
    • Les patients à risque d’intubation difficile en raison des stimulations multiples des voies aériennes lors des tentatives d’intubation,
    • Les traumatismes, la douleur, le tabac, l’alcool…
  • La vérification de la disponibilité d’une source d’aspiration efficace à disposition immédiate,
  • La possibilité de positionner rapidement le patient en position Trendelenburg et en décubitus latéral en cas de survenue de régurgitation massive,
  • Le choix de la technique d’anesthésie en cas de situations à risque avec le recours à une induction en séquence rapide (ISR) sans ventilation en attendant la curarisation optimale,
  • L’utilisation optimale de la « ventilation » en attendant la curarisation :
    • L’objectif n’est pas tant de ventiler dans ce cas-là (l’EtCO2 n’augmente que de 0,2 à 0,4 kPa par minute en l’absence de ventilation)
    • Mais d’oxygéner (avec une FiO2 à 100% tout en appliquant une PEEP en préservant une pression sur le ballon en fin d’expiration)
    • En pratique:
      • Maintenir une pression inspiratoire inférieure à 15 cmH2O sur la valve APL pour éviter de distendre l’estomac
      • Viser des volumes courants expiratoires d’environ 3 à 4 ml/kg
      • Maintenir une PEEP
  • L’utilisation de l’échographie antrale pré-induction.

En anesthésie d’urgence, aux soins intensifs, aux urgences ou en SMUR, par définition, le patient est considéré comme étant « estomac plein » et le risque de régurgitation est beaucoup plus important. Les techniques de prévention sont nombreuses, bien décrites et reposent surtout sur l’utilisation d’une induction en séquence rapide, la juste position du patient (nous avions abordé le sujet dans le post « BACK-UP HEAD ELEVATION POSITION »), une source d’aspiration efficace, l’utilisation d’Erythromycine lorsque c’est possible…

Ce qui est important de noter, c’est que, bien que la régurgitation massive soit plus fréquente en situation d’urgence qu’en anesthésie élective, elle reste rare mais avec une mortalité rapportée élevée jusqu’à 20%.

Si malgré tout, cette régurgitation massive survient, la connaissance de techniques pour gérer cette situation est essentielle.

 

SALAD = SUCTION-ASSITED LARYNGOSCOPY AND AIRWAY DECONTAMINATION

Parmi ces techniques, une est particulièrement intéressante. Elle s’appelle la SALAD pour Suction-Assited Laryngoscopy and Airway Decontamination développée par le Dr Jim DuCanto, un anesthésiste américain très intéressé par la gestion des voies aériennes.

Il a développé des mannequins de simulation permettant aux praticiens de s’exercer à manager les voies aériennes en cas de régurgitation massive de sang ou de contenu gastrique.

Les patients qui vomissement activement, comme nous l’avons dit, doivent être positionnés tête en bas et mis sur le côté. Ceci n’est pas simple, requiert du personnel et n’est donc pas toujours possible.

L’aspiration rapide de la régurgitation liquide permet de réduire l’inhalation trachéo-bronchique et donc les lésions pulmonaires secondaires. S’entrainer en ce sens est nécessaire, par la simulation notamment, pour savoir appréhender et maitriser cette situation rare mais gravissime.

Cette technique peut être appliquée tant avec la laryngoscopie directe qu’avec la vidéolaryngoscopie car elle repose sur le principe que c’est la canule d’aspiration qui mène l’intubation. En d’autres termes, c’est cette canule d’aspiration qui doit être insérer en premier pour « nettoyer » la cavité buccale et permettre l’intubation.

Si ce n’est pas fait, la lentille de la caméra est contaminée et devient inutile.

Dans cette situation, il est utile d’utiliser un vidéolaryngoscope qui permet également de réaliser une laryngoscopie directe tels que le C-MAC de Storz ou le McGrath de Medtronic en cas d’obstruction de la caméra.

Voici une vidéo explicative :

Pour résumer :

  • Décontaminer la cavité buccale à l’aide d’une grosse canule d’aspiration (Yankauer ou mieux une canule de DuCanto dont nous parlerons au prochain post) en la tenant de la main droite tout en avançant la lame du laryngoscope jusqu’à “mi-langue” pour éclairer l’oropharynx,
  • Une fois la cavité buccale nettoyée, la lame du laryngoscope peut être introduite en se servant de la canule d’aspiration pour soulever la langue alors qu’elle continue à aspirer,
  • Lorsque que la lame se trouve dans la vallécule, la canule d’aspiration est retirée et réintroduite à gauche de la lame et maintenue en place par cette dernière au niveau de la bouche œsophagienne permettant de continuer à aspirer ce qui provient de l’estomac,
  • La sonde d’intubation est alors introduite dans la trachée.

 

CONCLUSION

Pas de secret il faut s’entrainer. Pour cela, il suffit de récupérer une tête d’intubation et de créer un système qui permette d’envoyer du liquide dans la cavité buccale.

Dans le prochain post, nous aborderons, une autre technique développée par DuCanto lorsque que celle décrite ici n’est pas suffisante.

À bientôt sur BLOCKCHOC.

 

RÉFÉRENCES

  • Ducanto J, Serrano KD, Thompson RJ. Novel Airway Training Tool that Simulates Vomiting: Suction-Assisted Laryngoscopy Assisted Decontamination (SALAD) System. West J Emerg Med. 2017;18(1):117-120.
  • Jensen M, Louka A, Barmaan B. Effect of Suction Assisted Laryngoscopy Airway Decontamination (SALAD) Training on Intubation Quality Metrics. Air Med J. 2019;38(5):325.
  • Lin LW, Huang CC, Ong JR, Chong CF, Wu NY, Hung SW. The suction-assisted laryngoscopy assisted decontamination technique toward successful intubation during massive vomiting simulation: A pilot before-after study. Medicine (Baltimore). 2019;98(46):e17898.

 

 

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