CONTEXTE

  • Le choc hémorragique est la principale cause de mort évitable en cas de traumatisme sévère (39% des causes)
  • Le retard de traitement est clairement reconnu comme un facteur de mauvais pronostic qui peut être « facilement » (?) corrigeable et optimisable dans nos organisations de soins modernes

OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

  • Développer et valider un score
  • Facile à utiliser dans le pré-hospitalier
  • Score de prédiction de la survenue d’une hémorragie massive (HM)
  • Chez les patients victimes de traumatismes sévères fermés (hors trauma balistique)
  • Score permettant d’activer un protocole de transfusion massive (PTM) intra-hospitalier

TYPE D’ÉTUDE

  • Étude observationnelle multicentrique
  • Utilisation des données collectées par un registre régional de patients traumatisés : TRAUMABASE
  • TRAUMABASE :
    • 6 trauma-centers de Paris et de la région Ile-De-France
    • Ces 6 trauma-centers ont rejoints le registre progressivement entre Janvier 2011 et Juin 2015
    • Le recueil des donnés est coordonné par un administrateur central
    • Données recueillies :
      • Sociodémographiques
      • Cliniques
      • Biologiques
      • Thérapeutiques
      • De la phase pré-hospitalière jusqu’à la sortie du patient des Soins Intensifs (SI)

MÉTHODES

  • Développement du score en 3 étapes :
    • Développement d’un modèle
    • Convertir ce modèle en un score
    • Transformer ce score en une alerte binaire (activation du PTM ou pas d’activation du PTM) en déterminant une valeur cut-off
  • Utilisation de la méthode TRIPOD pour rapporter les résultats
  • TRIPOD : Transparent Reporting of a multivariate prediction model for Individual Prognosis Or Diagnosis

SÉLECTION DES PATIENTS

  • Tous les patients inclus dans TRAUMABASE à partir de Janvier 2011
  • Exclus s’il ne s’agissait pas d’une admission primaire, si le traumatisme était pénétrant, si le patient présentait un arrêt cardiaque pré-hospitalier, ou si les données pré-hospitalière n’étaient pas disponibles ou partielles
  • 2 cohortes ont été définies :
    • Cohorte de développement du score : patients inscrits dans TRAUMABASE de Janvier 2011 à Mai 2015
    • Cohorte de validation du score : patients inscrits dans TRAUMABASE de Juin 2015 à Novembre 2016

DÉFINITIONS DE L’HÉMORRAGIE MASSIVE POUR L’ÉTUDE

  • Besoin de transfusion d’au moins 1 culot érythrocytaire (CE) à l’admission au trauma-center
  • Transfusion de 4 CE ou plus dans les 6 premières heures après l’arrivée au trauma-center
  • Lactate sanguin ≥ 5 mmol/L à l’arrivée au trauma-center
  • Nécessité d’une hémostase chirurgicale ou radiologique interventionnelle avant la réalisation de l’évaluation scanographique
  • Mort par choc hémorragique

PRÉDICTEURS PRÉ-HOSPITALIERS POTENTIELS

  • 13 prédicteurs
  • Tous disponibles en pré-hospitalier
  • Significatifs cliniquement et facile à utiliser :
    • Âge
    • Sexe
    • Tension Systolique (TAS), Tension Diastolique (TAD), Tension Moyenne (TAM) minimales
    • Fréquence Cardiaque (FC) maximale
    • SpO2 minimale
    • Score de Glasgow (GCS) minimal
    • Bassin instable cliniquement
    • Dosage sur site de l’hémoglobine
    • Intubation trachéale (IOT)
    • Administration de vasopresseurs
    • Index de choc = FC maximale / TAS minimale

ANALYSE STASTISTIQUE

  • « Derivation Cohort » (DC) : cohorte utilisée pour développer le score
    • Tests de Chi-2 et Student avec analyses univariées utilisées pour évaluer l’association entre les différentes données pré-hospitalières et la présence d’une hémorragie sévère
    • Toutes les variables avec un p < 0.2 étaient retenues comme candidates et leurs corrélations à la présence d’une hémorragie sévère étaient établies lorsque le Rho de Spearman était supérieur à 0.8
    • La corrélation de Spearman est étudiée lorsque deux variables statistiques semblent corrélées sans que la relation entre les deux variables soit de type affine. Elle consiste à trouver un coefficient de corrélation, non pas entre les valeurs prises par les deux variables mais entre les rangs de ces valeurs. Elle estime à quel point la relation entre deux variables peut être décrite par une fonction monotone. S’il n’y a pas de données répétées, une corrélation de Spearman parfaite de +1 ou -1 est obtenue quand l’une des variables est une fonction monotone parfaite de l’autre
    • Une valeur cut-off a été étudiée pour chaque variable en utilisant les courbes ROC et index de Youden sauf pour la valeur cut-off de la SpO2 déterminée à 90%
    • Les variables candidates binaires étaient ensuite entrées dans un modèle de régression logistique multivarié et un choix était fait pour avoir le critère d’information Akaike le plus faible
    • Toutes les variables étaient ensuite testées par paire à la recherche d’interactions univariées
  • Pour obtenir les drapeaux rouges de ce modèle, un score a été établi pour chaque patient de cette première cohorte en utilisant différentes combinaisons de variables, en les pondérant de différents points afin d’obtenir le score final
  • Le score final était étudié pour obtenir la meilleure balance entre simplicité d’utilisation et performance du score dans la prédiction d’hémorragie sévère (sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive, valeur prédictive négative et rapport de vraisemblance positif)
  • La fiabilité, la performance et la reproductibilité du score ont été étudiés sur la « Validation Cohort » (VC)

RÉSULTATS

  • Caractéristiques des deux cohortes
    • Mortalité inférieure dans les deux groupes par rapport à l’étude TRISSMortalité inférieure dans les deux groupes par rapport à l’étude TRISS
    • Stratégies d’hémostase différentes dans les deux cohortes :
      • Hémostase chirurgicale : DC = 58%, VC = 51%
      • Hémostase par embolisation : DC = 3%, VC = 6%
      • Durée d’hospitalisation aux soins intensifs moins longue pour la VC

  • Développement du score
    • Toutes les variables pré-hospitalières étaient significativement associées avec la survenue d’hémorragies sévères
    • Variables colinéaires :
      • FC
      • TAS, TAD, TAM
      • Index de choc
    • 10 variables incluses dans le modèle multivarié et 7 variables ont été inclues dans le modèle prédictif
    • La combinaison de variables associant la meilleure précision prédictive, la meilleure sensibilité, la meilleure spécificité et une simplicité d’utilisation est :
      • Index de choc > 1
      • Hémoglobine pré-hospitalière ≤ 13 g/dL
      • Intubation pré-hospitalière
      • TAM ≤ 70 mmHg
      • Signes cliniques de bassin instable en pré-hospitalier
    • Le PTM est activé lorsque que le score est supérieur ou égal à 2
    • Une combinaison de 3 variables offre moins de performance mais est une option intéressante pour les secours pré-hospitaliers non médicalisés :
      • Index de choc > 1
      • TAM ≤ 70 mmHg
      • Signes cliniques de bassin instable en pré-hospitalier

  • Validation externe
    • La corrélation entre les prédictions d’hémorragies sévères et les proportions réellement observées étaient adéquate
    • Sauf dans le groupe avec un risque d’hémorragies sévères de 40 à 50% dans lequel la proportion de patients en présentant effectivement une était de 32%
    • Le meilleur seuil de positivité du score a été établi à 2 points

CONCLUSIONS DES AUTEURS

  • Développement d’un score permettant dès la phase pré-hospitalière de déclencher le protocole de transfusion massive de l’hôpital receveur pour les patients à risque d’hémorragie sévère suite à un traumatisme fermé

SCORE D’ACTIVATION PRÉ-HOSPITALIER DU PTM

Lien pour téléchargement ou impression du score

FORCES DE L’ÉTUDE

  • Question intéressante
  • Méthode de développement du score rigoureuse et statistiquement fiable
  • Score développé simple et pragmatique d’utilisation dans le contexte pré-hospitalier
  • Facilité d’implantation dans une organisation de soins à la française disposant d’une forte culture de médicalisation de l’avant

FAIBLESSES DE L’ÉTUDE

  • Étude rétrospective
  • Manque de certaines données pré-hospitalières qui semblent être importantes dans un contexte de médicalisation de l’avant : FAST-écho par exemple
  • Contexte français de présence de médecin dans les ambulances alors que les autres scores ont généralement été développés pour des secours pré-hospitaliers non médicalisés
  • Nécessité d’analyse prospective des performances de ce score

LE MOT DE BLOCKCHOC

  • Cette étude est très intéressante parce qu’elle met en avant l’absolue nécessité d’une collaboration de la médecine extra et intra-hospitalière pour tenter d’en tirer le maximum de bénéfice
  • Encore plus pour un système d’organisation des soins pré-hospitaliers très couteux comme l’est le système français
    • C’est toujours amusant d’entendre des collègues européens ou nord-américains demander aux médecins urgentistes français s’ils débordent autant de médecins pour en mettre derrière des téléphones en régulation SAMU et dans beaucoup (trop ?) d’ambulance…
    • Pas de polémique dans ce « post » même si plus j’avance dans ma carrière moins je suis convaincu de l’efficience de notre beau système pré-hospitalier français
    • Et Dieu sait que je l’ai défendu et le défend encore mais par pour ce qui fait son attrait aujourd’hui pour beaucoup :
      • On sauve bien plus les pas-trop-vieux-mais-quand-même autonomes-non-déments en les prenant en charge agressivement dès la phase pré-hospitalière
      • Plutôt que les jeunes AVP pour qui un “scoop and play while running” sera souvent plus efficace qu’un “stay and alors-je-lui-ai-fait-une-écho-corps-entier-et-j’ai-un-doute-sur-un-épanchement-intra-péritonéal-en-plus-d’un-bassin-explosé“…)
  • D’ailleurs, il est intéressant de lire que les auteurs émettent même la possibilité d’un score à destination des secouristes pré-hospitaliers non-médecins en se basant uniquement sur 3 variables (Index de choc, TAM et bassin instable cliniquement) et en se débarrassant des variables IOT et dosage hémoglobine qui pour ce dernier pourrait être tout à fait envisageable dans les mains de ces même secouristes -pas plus difficile de faire un Hémocue qu’une glycémie capillaire-)
  • Ce score est simple et à défaut d’avoir un vrai recul prospectif sur son efficacité, il est facile à mettre en œuvre et donc à utiliser sans tarder
  • Je trouve intéressante la capacité de ce score à limiter le sous triage que l’on sait particulièrement relié à la mortalité des patients victimes de traumatismes sévères. Les taux de sous triage ne sont pas connus en France. Pour exemple, les centres parisiens d’accueil des traumatisés sévères de Beaujon et de la Pitié Salpêtrière, les taux de sous triage sont respectivement de 42 et 38%, bien supérieurs aux 5% max vers lesquels les scores prédictifs aimeraient tendre pour un taux acceptable de sur triage de 25 à 50%
  • Limiter les transferts ou « triages secondaires » est un aspect important à souligner. En cas de sous triage, le transfert du patient vers un autre centre disposant du plateau technique spécifique pour le prendre en charge est clairement responsable d’une mortalité à 15 jours plus importante. Viser un sous triage minimal, comme un « mieux vaut prévenir que guérir » pourrait finalement à défaut d’économiser les dépenses de santé, économiser des vies, donc des travailleurs, qui pourront payer des impôts, ce qui fournira des recettes pour financer nos systèmes de soins… hahaha 

AUTRES SCORES

  • Score MGAP

  • Score ABC

 

  • Score TASH

 

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