UNE INDUCTION MUSICALE HYPNOTIQUE
Ce que vous entendez maintenant, ce sont les battements de votre cœur.
Scope 5 brins branché, tension artérielle au 2 minutes 30, saturation en continue, NMT connecté et prêt à être utilisé.
Vous pouvez certainement constater qu’ils sont rapides.
Tachycardie à 112 battements par minute, tension artérielle a 164 sur 92. Saturation à 98%.
Je vous propose, si vous le voulez, de pouvoir agir sur ce rythme.
Vous m’avez dit pendant la consultation que vous étiez mélomane et que votre musicien préféré était Bach.
Alors, allons l’écoutez…
On applique le masque sur le visage de la patiente. FiO2 100%. FeO2 recherchée supérieure à 80%.
Tandis que ma collègue applique le masque sur votre visage, je vous propose d’entrée dans la salle de concert. Vous pouvez garder les yeux ouverts ou bien les fermer si cela vous aide à être plus concentrée.
Vous entrez par la porte du fond.
Celle qui vous permet d’embrasser la salle d’un seul regard.
Vous pouvez voir, en face de vous, la scène et sur celle-ci un violoncelle.
En vous avançant légèrement vous pouvez certainement apercevoir un métronome.
Il bat la mesure. Il bat la mesure au rythme des battements de votre cœur.
Je vous propose maintenant de tenter de ralentir ce métronome par la seule force de votre respiration.
Et alors que vous allez respirer plus calmement et plus profondément, vous allez pouvoir entendre sur le rythme du métronome de votre cœur les premières notes du Prélude de la première suite pour violoncelle de Bach.
Ces notes graves, tendres, délicates accompagnent vos respirations plus lentes et profondes encore.
Fréquence respiratoire à 11 par minute. EtCO2 à 4.1 kPa. FeO2 à 51%.
Chaque passage de l’archer sur les cordes du violoncelle vous fait bien soulever la poitrine comme si votre poitrine pouvait se confondre avec la caisse de résonance de l’instrument, comme si au fur et à mesure que le calme vous emplissait, les vibrations de votre respiration permettaient, là encore, de ralentir le rythme du métronome de votre cœur.
FeO2 à 65%. Fréquence cardiaque à 86 battements par minute.
Et alors, en tendant l’oreille vous pouvez constater que le rythme n’est plus celui du Prélude mais certainement beaucoup plus proche de celui de l’Allermande.
Injection de 20 microgrammes de Sufentanil.
Et tandis que l’archer accompagne toujours la respiration, je vous injecte un premier médicament qui va vous rendre encore plus confortable, encore plus apaisée, comme pour mieux profiter de la musique qui emplit votre tête.
Parfois, cela peut faire tourner la tête, ce n’est pas obligatoire. Si toutefois cela survenait, vous pouvez garder les yeux fermés et imaginer un vertige agréable, comme une envolée de notes vers le plafond richement peint de la salle de concert.
FeO2 à 74%. Fréquence cardiaque à 73 battements par minute.
Comme lorsque le rythme de la Courante se fait plus précis et voluptueux.
Un garrot est resserré en haut de l’avant-bras afin de permettre l’injection de 50 mg de Lidocaïne afin d’anesthésier la veine.
Vous allez pouvoir ressentir un serrement autour de votre bras. Restez apaisée. Ce serrement comme la pression des doigts sur les cordes du violoncelle vont permettre d’endormir votre veine.
Elle aussi veut profiter de la musique de Bach qui vous accompagne toujours, vous, la respiration, la poitrine, le cerveau et le rythme de métronome du cœur au rythme désormais de la Sarabande.
Retrait du garrot au bout de 45 secondes avec connexion sur le robinet de la seringue de 200 mg de Propofol.
Et tandis que la sensation de serrement disparait de votre bras vous entendez les dernières notes de la Sarabande et les premières du premier Menuet. Celui-là même ainsi que le deuxième qui vont vous accompagner durant toute l’anesthésie.
FeO2 à 84%. Fréquence cardiaque à 69 battements par minute.
Et pendant que vous profiterez du concert, nous, de notre côté, nous allons assurer votre sécurité et votre confort durant toute la durée de l’intervention.
Et quand vous vous réveillerez, ce sera sur le rythme de la Gigue.
Injection de 150 mg de Propofol.
À tout l’heure et profitez bien de Jean Sébastien Bach…
La version classique :
La version jazz :
Very good !
Moi je mets la lido dans le propofol et franchement c’est bien (même avec le lipuro). Je n’ai jamais cru à cette histoire d’anesthésie veineuse. Par contre je crois au modification du pH du propofol par la lidocaine.
Bonjour NFKB,
Merci pour ton commentaire.
Pour la Lidocaïne, c’est la manière de faire du service dans lequel je travaille.
Je crois que chacun à son attitude et la tienne est certainement celle qui se défend le mieux pharmacologiquement avec la modification du pH du Propofol.
La revue Cochrane de 2016 n’apporte pour autant pas de solution franchement supérieure aux autres (injection intraveineuse de Lidocaïne avant l’injection de Propofol pour “anesthésier” la veine, injection simultanée de la Lidocaïne avec le Propofol sans les mélanger ou mélange avant injection de la Lidocaïne et du Propofol- https://www.cochrane.org/CD007874/ANAESTH_lidocaine-reducing-propofol-induced-pain-anaesthesia-adults).
Pourquoi dans ce cas ne pas utiliser l’hypnose pour focaliser l’attention du patient sur autre chose au moment de l’injection du Propofol.
A bientôt.
Alexandre.