Le Remimazolam est une nouvelle drogue sédative développée afin de pouvoir être rapidement transformée en métabolites inactifs.

Aucune drogue sédative, d’anesthésie ou de réanimation, ne réunit à elle seule tous les besoins en termes de sécurité pharmacologique et d’utilisation.

Cependant, il semble évident que le développement d’un agoniste GABA (Gamma AminoButyric Acid) possédant des modifications moléculaires permettant son élimination plus rapide semblait être la prochaine étape.

Scoop : ils l’ont fait.

Qui ? PAION en collaboration avec la licence japonaise de Ono Pharmaceuticals.

Son Nom ? CNS-7056 ou Remimazolam.

Quand ? Sa découverte remonte à la fin des années 1990 par Glaxo Wellcome.

POURQUOI UNE ALTERNATIVE ?

Le Propofol, qui est la drogue la plus utilisée en anesthésie, a des limitations significatives notamment lors de son administration prolongée. La douleur ressentie à son injection est souvent la seule chose dont les patients se souviennent. Le syndrome d’infusion au Propofol, bien qu’extrêmement rare, est souvent fatal et participe parfois à faire choisir d’autres solutions de sédation ou d’anesthésie surtout dans la population pédiatrique.

Le Midazolam, autre drogue très utilisée en réanimation (et en anesthésie) est quant à elle source d’accumulation dans les tissus périphériques responsable d’une élimination retardée et par conséquent de retard de réveil, non exempt d’une morbi-mortalité importante.

Une alternative semble donc intéressante, au moins dans certains cas, tout en prenant garde à toutes les promesses que la littérature scientifique n’a pas tenue.

LA PROMESSE CHIMIQUE

Le Remimazolam est un composé parent du Midazolam. Comme ce dernier il s’agit d’une benzodiazépine, d’où le -mazolam, avec les propriétés pharmacocinétiques du Remifentanil d’où le Remi-. En effet, l’incorporation d’un groupement ester à la structure du Midazolam permet au Remimazolam d’être métabolisé par des estérases plasmatiques non spécifiques.

3 drogues possèdent cette propriété : le Remifentanil, le Mivacurium et donc le Remimazolam.

Comme les autres benzodiazépines, le Remimazolam agit sur les récepteurs GABA, essentiellement les GABA-alpha. Les autres drogues agissant sur les récepteurs GABA sont comme dit plus haut le Propofol (GABA-beta), l’Etomidate (GABA-alpha) et le Thiopental (GABA-alpha). Le système GABA est le principal système de neurotransmission inhibiteur du cerveau.

L’action des benzodiazépines sur les récepteurs GABA est dose-dépendante. De faibles doses ont une action anxiolytique tandis que l’augmentation des doses apporte une sédation puis une anesthésie.

PHARMACOCINÉTIQUE, PHARMACODYNAMIE ET EFFICACITÉ

Le Remimazolam est donc dégradé par des estérases plasmatiques non spécifiques. Aux doses cliniques, ces estérases ne peuvent pas être saturées si bien qu’il n’y a pas d’accumulation de Remimazolam rapportée. Ainsi, il semble tout à fait possible d’utiliser le Remimazolam à plus fortes doses et sur des temps plus importants.

Du fait de son élimination indépendante d’organes (foie et reins), il peut être utilisé avec sécurité chez les patients présentant une insuffisance hépatique ou rénale.

Dans les études pharmacocinétiques de phase I, son délai d’action est de 1 à 3 minutes et sa demi-vie contextuelle est de 7 à 8 minutes après 2 heures d’administration en continu.

Inutile de préciser que c’est beaucoup moins long avec le Midazolam.

Par contre pour une même durée d’administration (2 heures) la demi-vie contextuelle du Propofol est à peu près identique (5 à 10 minutes).

Cependant, on note bien une augmentation de la demi-vie contextuelle du Propofol lorsque son administration augmente dans le temps sans pour autant jamais dépasser sa demi-vie d’élimination terminale (T1/2 = 3h30). Ce n’est pas le cas avec le Remimazolam en raison du fait que ces estérases plasmatiques non spécifiques ne sont pas saturées à doses cliniques.

Cliniquement le réveil était obtenu dans les 16 minutes chez 89% des patients lorsque le Remimazolam était perfusé plus de 3 heures.

EXISTENCE D’UN ANTIDOTE

 Et oui, le Remimazolam reste une benzodiazépine. Ainsi, le Flumazémil constitue un antidote efficace. De plus en raison de l’élimination rapide du Remimazolam, le risque de rebond de sédation après une dose unique de Flumazémil est beaucoup plus faible.

INDICATIONS POSSIBLES

ADMINISTRATION CONTINUE POUR SÉDATION PROCÉDURALE

 Dans une étude clinique de phase IIa, le Remimazolam a été évalué pour la sédation procédurale de patients soumis à une fibroscopie œso-gastro-duodénale. Le temps nécessaire jusqu’à un réveil complet était inférieur dans le groupe Remimazolam par rapport au groupe Midazolam.

Le Remimazolam semble donc être une drogue intéressante dans la sédation des patients devant bénéficier d’une endoscopie intestinale (FOGD comme colonoscopie).

Cependant, le défi de la prise en charge anesthésique des patients ambulatoire repose également sur la rapidité avec laquelle les procédures peuvent être « enchainées ». Le court délai d’action du Remimazolam (1 à 3 minutes, qui est identique à celui du Midazolam) constitue un handicap significatif dans ces prises en charge ambulatoire. En effet, bien que 1 à 3 minutes puissent sembler court, il faut replacer ce temps dans le contexte lui aussi très court des examens d’endoscopie digestive.

Dans cette étude clinique de phase IIa, le temps moyen de procédure pour la FOGD était de 3.3 à 4.3 minutes. Du Propofol était même rajouté pour réduire le délai de survenue de la sédation, ce qui constitue un biais majeur lorsque le Remimazolam est évalué pour le remplacer complétement.

Ce qui est essentiel, c’est de posséder une drogue avec un délai d’action rapide et systématiquement prévisible. Le Propofol semble donc rester la drogue de choix dans ces situations. Bien que le délai d’action du Remimazolam puisse être accéléré avec des doses plus importantes ou en combinaison avec du Fentanyl, l’incidence de dépression respiratoire dans ces cas augmente également.

Dans une autre étude clinique de phase IIa, certains patients bénéficiant d’une colonoscopie ont développé une hypotension artérielle ainsi qu’une désaturation avec l’utilisation du Remimazolam alors que ce n’était pas le cas dans le groupe bénéficiant d’une sédation par Propofol. De plus la colonoscopie n’avait pu être conduite chez 11 patients sur 44 en raison d’une sédation insuffisante sous Remimazolam. Il n’avait pas été administré de Propofol chez ces patients en raison de la nécessité d’obtention d’un consentement.

Ainsi, bien qu’il manque un nombre suffisant d’étude pour apporter des conclusions définitives, le Remimazolam semble peu adapté pour la sédation procédurale d’examen d’endoscopie digestive ou le Propofol est largement utilisé.

ADMINISTRATION EN CONTINUE POUR L’ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EN ASSOCIATION AVEC UN MORPHINOMIMÉTIQUE

Comme le Propofol, le Remimazolam est un agoniste GABA et produit une hypnose mesurable et dépendante de la dose administrée. Son métabolisme unique par des estérases plasmatiques non spécifiques assure l’absence d’accumulation après une administration continue prolongée. De plus, le Remimazolam peut être antagonisé par le Flumazémil.

Il n’existe pas à ce jour encore d’étude publiée sur l’utilisation du Remimazolam pour l’anesthésie générale intra-veineuse (TIVA). Le recrutement de patients pour une étude de phase II est en cours pour évaluer la sécurité, l’efficacité et la pharmacocinétique du Remimazolam en comparaison du Propofol et du Sevoflurane au cours de l’induction et du maintien de l’anesthésie générale.

Cette étude est menée aux USA où il n’y a pas d’AIVOC de Propofol. Ainsi l’utilisation du Propofol en administration continue est somme toute plus sujette à un risque d’accumulation en comparaison des pays dans lesquels l’Anesthésie IntraVeineuse à Objectif de Concentration permet une administration plus mesurée de ce dernier.

Le Remimazolam peut donc trouver une place face à cet argument, ce d’autant s’il peut bénéficier de l’utilisation de la technologie AIVOC.

Cependant, le cout du Remimazolam doit être pris en compte. En effet, il faudra rembourser comme toute nouvelle drogue la part recherche et développement du laboratoire, ce d’autant que compte tenu de son métabolisme particulier, les doses nécessaires pour des anesthésies générales prolongées risquent d’être importantes.

Le Japon est plus en avance que les USA sur l’utilisation du Remimazolam pour l’anesthésie générale. Ono Pharmaceuticals a conduit une étude de phase II/III comparant le Remimazolam au Propofol en termes d’efficacité et de sécurité. Leur étude conclut à une non-infériorité du Remimazolam. La perte de conscience était plus tardive dans le groupe Remimazolam (88.7 minutes vs 78.7 minutes pour le Propofol, NS) et le temps avant l’extubation était relativement plus long pour le Remimazolam (19.2 minutes vs 13.1 minutes pour le Propofol, NS).

Les auteurs notaient pour expliquer ces différences de temps que :

  • L’utilisation d’une dose de charge permettrait de réduire le délai d’action
  • Les chirurgies étaient en moyenne plus longue dans le groupe Remimazolam ce qui pourrait expliquer le temps plus long avant l’extubation
  • L’inexpérience relative dans les doses d’utilisation du Remimazolam pourrait là encore expliquer le temps plus long avant l’extubation.

Enfin les auteurs rappelaient que le temps avant extubation pourrait être particulièrement réduit avec l’utilisation du Flumazémil, et que la meilleure connaissance des doses de « croisière » nécessaire permettrait de réduire ce temps.

Sur le terrain du Propofol, encore plus avec l’utilisation de l’AIVOC, le Remimazolam semble malgré tout peu prometteur.

ADMINISTRATION CONTINUE POUR LA SÉDATION DES PATIENTS AUX SOINS INTENSIFS – RÉANIMATION

 Il est aujourd’hui clairement démontré que les levées de la sédation régulières chez les patients ventilés mécaniquement aux soins intensifs augmentent la probabilité de pouvoir les extuber plus rapidement.

Ces mêmes patients sont souvent porteurs d’insuffisances d’organe telles qu’hépatique ou rénale. La plupart des drogues sédatives aux soins intensifs ont un métabolisme hépatique suivi d’une clairance rénale.

Ainsi, même quand la sédation est stoppée, la pharmacocinétique de leur élimination est altérée. De plus en dehors du Propofol, la plupart des drogues ont une longue demi-vie pharmacologique.

Ainsi, dans ce contexte particulier de patients de soins intensifs, l’utilisation du Remimazolam semble pouvoir trouver une place plus qu’intéressante de par son métabolisme spécifique.

EFFETS INDÉSIRABLES ET COMPLICATIONS

Lorsque le Remimazolam est utilisé pour l’anesthésie générale, le recours à des amines vasopressives est moins important qu’avec le Propofol bien que cette différence ne soit pas significative (35% pour le groupe Remimazolam vs 36.7% pour le groupe Propofol). Par contre lorsque la Noradrénaline est utilisée, ses doses sont significativement moins importantes dans le groupe Remimazolam (21 ng/kg/min vs 42.7 ng/kg/min).

Les autres effets secondaires rapportés sont des céphalées et l’allongement du QT.

CONCLUSION

 Le Remimazolam ne sera pas la drogue révolutionnaire de l’anesthésie-réanimation.

Il semble toutefois intéressant de le garder en mémoire pour pister les études qui le testeront dans le contexte de la sédation des patients de réanimation.

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