La laryngoscopie chez l’enfant et le bébé est techniquement plus facile que chez l’adulte. L’ouverture de bouche, la mobilité de l’articulation temporo-mandibulaire et la dentition sont d’autant de facteurs rendant plus aisée l’exposition laryngée. Le diamètre plus petit des sondes d’intubation, les plus petites lames du laryngoscope permettent une visualisation de la glotte et une insertion du tube plus faciles également. Pour les médecins de l’aigu (urgentistes, SMURistes) qui intubent finalement rarement les enfants, cette procédure reste intimidante.

Les éléments essentiels de la laryngoscopie sont encore plus importants chez l’enfant et le bébé. Ceci inclut :

  • L’épiglottoscopie
  • La visualisation progressive des différents repères anatomiques
  • Une laryngoscopie à deux mains.

 

LARYNGOSCOPIE : 4 DIFFÉRENCES CHEZ L’ENFANT

LE LARYNX EST PLUS HAUT DANS LE COU

À la naissance, le larynx est au niveau de la 3ème vertèbre cervicale. À l’âge adulte, il se situe au niveau de la 5ème vertèbre. Ceci explique pourquoi l’épiglotte est souvent déjà visible lors de l’examen du pharynx de l’enfant alors que c’est nettement plus rare chez l’adulte.

Cette différence peut rendre très facile le fait de manquer un repère essentiel de la laryngoscopie, l’épiglotte, lors de l’insertion initiale de la lame.

Cette erreur, la plus commune lorsque l’on manque d’habitude sera d’autant plus renforcer par la nervosité de l’opérateur (je parle en connaissance de cause !!!!).

 

Les repères de la laryngoscopie sont :

  1. Le premier repère lors de l’insertion de la lame est la luette.
  2. Le second est la visualisation du corps de l’épiglotte.
  3. Après une inclinaison prudente vers l’arrière, la lame est avancée doucement dans la vallécule afin de pouvoir soulever l’épiglotte et ainsi exposer les cartilages postérieurs à la glotte.
  4. Avec une traction ferme et douce vers le haut et l’avant, la glotte s’ouvre avec la visualisation des cordes vocales.
  5. Le tube est ensuite placé délicatement entre les cordes vocales sans « titiller » les pourtours de la glotte ou le larynx en raison du risque de laryngospasme.

 

Les étapes de la laryngoscopie chez l’enfant et le bébé sont :

  1. Bien tenir son laryngoscope

Il est souvent préférable de tenir le manche proche de la lame comme un stylo, plutôt que le grip habituel. Cette prise en main donne plus de contrôle ce qui peut être utile en cas d’utilisation d’une lame droite lorsque l’on charge l’épiglotte. Mais il sera toujours possible d’appliquer une force nécessaire à la visualisation de la glotte et des cordes vocales.

  1. Ouverture de la bouche

Chez le nouveau-né, la bouche sera ouverte en introduisant un doigt pour toucher le bout de la langue. Chez l’enfant plus âgé, l’ouverture en ciseau en utilisant le pouce et l’index est parfaitement réalisable.

  1. Insertion du laryngoscope

Le laryngoscope devrait être introduit dans la bouche du côté droit de la langue afin de pouvoir la récliner en prenant garde de ne pas pincer la lèvre inférieure.

  1. Contrôle de la langue

Le laryngoscope est designé pour être introduit par le côté droit de la bouche afin de porter ensuite la langue sur la gauche. Aller directement sur la langue rendra l’ouverture laryngée plus antérieure qu’elle n’est en réalité et rend le passage de la sonde d’intubation plus difficile.

  1. Trouver l’épiglotte

La lame doit être avancée progressivement le long du pharynx en recherchant l’épiglotte. C’est le repère essentiel pour s’orienter dans les voies aériennes du patient. Une fois trouvée, même s’il n’y a pas d’ouverture laryngée, vous savez où elle se trouve pas rapport à l’épiglotte et il sera possible de se concentrer pour améliorer l’exposition.

  1. Permettre l’ouverture laryngée

On le sait bien, la traction, devant s’exercer, doit se faire en s’éloignant de l’opérateur. Surtout ne pas becquer !!!

Lorsque que lame courbe est utilisée, il faudra placer son extrémité dans la vallécule puis exercer une pression sur le ligament glosso-épiglottique.

Lorsqu’une lame droite est utilisée il peut être difficile de lever l’épiglotte directement et dans cette situation il y a deux possibilités :

  1. Introduite profondément la lame et ainsi obtenir une vue de la bouche œsophagienne. Il faudra ensuite retirer progressivement la lame jusqu’à ce que l’ouverture laryngée apparaisse. Il faudra prendre garde à ne pas trop retirer la lame au risque de faire chuter l’épiglotte qui obstruera la vue.
  2. Utiliser la lame droite comme une lame courbe en introduisant son extrémité dans la vallécule. Chez le très jeune enfant et le bébé, cette technique ne fonctionne généralement pas et rend la vue de la glotte et des cordes vocales encore moins bonne. Pourquoi ? En raison de la laxité du ligament glosso-épiglottique plus importante et d’une épiglotte plus large et flasque à ces âges. C’est pour cette raison qu’une lame droite est généralement préférée à ces âges en chargeant l’épiglotte.

En utilisant une technique de laryngoscopie bi manuelle la vue obtenue est dans la plupart des cas satisfaisante en cas de difficulté.

  1. Optimiser la vue

A moins d’avoir un Cormack 1, la vue peut être optimisée en utilisant une manipulation externe du larynx. Tout d’abord par l’intubateur en manipulant le larynx pour trouver sa juste position. Une fois obtenue, il faudra demander une aide externe afin de maintenir la position du larynx et permettre à l’intubateur de passer le tube. En cas d’aide indisponible chez le jeune enfant, la position laryngée pourra être maintenue par le 5ème doigt de l’intubateur.

En cas de besoin, plus de place pour le passage de la sonde peut être obtenue en décalant la lame vers la gauche laissant plus d’espace sur la droite.

  1. Introduire le tube

Il est toujours préférable d’introduire le tube par la droite en longeant la commissure labiale droite plutôt qu’un abord frontal permettant ainsi de ne pas se bloquer la vue de l’ouverture laryngée.

L’angle d’insertion peut être amélioré par la traction latéro-inférieure de la commissure labial droite par une aide.

Il n’est pas rare que le tube lèse profondément les cordes vocales, ce d’autant que la sonde est maintenue dans sa position d’insertion. Au-delà de la nécessité constante d’un passage très doux des cordes vocales, une rotation antihoraire de la sonde une fois l’épiglotte passée limite les lésions des cordes vocales mais également le laryngospasme.

  1. Points particuliers

Très souvent l’épiglotte est affaissée sur l’hypopharynx en postérieur. Dans ce cas l’hyperextension de la tête pousse la base de la langue et l’épiglotte encore plus en arrière sur le mur pharyngé rendant son identification encore plus difficile. C’est pour cette raison que la face de l’enfant devra au maximum être parallèle au plafond. Le positionnement idéal de la tête est défini par l’alignement horizontal de l’oreille et du nœud sternal. Chez le jeune enfant la grande taille de la tête l’élève par rapport à la poitrine si bien qu’une élévation supplémentaire de la tête n’est pas nécessaire. À l’extrême, une élévation des épaules peut être nécessaire, comme chez le nouveau-né.

Toute présence de fluide, salive, sang ou vomissement s’accumulant au niveau du pharynx postérieur peut camoufler l’épiglotte, ce d’autant que la muqueuse épiglottique a le même aspect que le reste du pharynx. Bien que le bon contrôle de la langue par son bon positionnement soit important, la visualisation directe de l’épiglotte est essentielle pour correctement placer le tube. Sans cela, l’intubation devient une procédure quitte ou double.

 

LA MANDIBULE N’EST PAS TOTALEMENT DÉVELOPPÉE

Effectivement, elle est plus courte et plus étroite. Ceci réduit sa mobilité lors de la laryngoscopie. Ainsi l’utilisation d’une lame plus étroite trouve sa justification.

Beaucoup de médecins de l’urgence, habitués à utiliser des lames courbes n’apprécient pas les subtilités nécessaires à la manipulation des lames droites.

La juste position finale de la lame droite tant chez l’adulte que chez l’enfant est un positionnement paraglossal strict. La base de la lame est légèrement sur la droite de l’arche dentaire inférieure en alignement avec la narine droite du patient. Cette position (corps de lame en paraglossal et base la lame légèrement sur la droite) permet un bon contrôle de la langue et, en ne tractant pas la mandibule strictement en position médiane, d’avoir plus d’espace.

La largeur plus faible des lames droites rend parfois difficile l’aspiration lorsque qu’il y a un volume important à aspirer.

  • Pour les enfants entre 4 et 8 ans qui ont beaucoup de « fluides » dans l’oropharynx : il peut être intéressant d’utiliser une lame Mac 2 pour plus facilement aspirer puis que le contrôle de la langue et la traction de la mandibule sont plus faciles et que cette laryngoscopie permet d’obtenir une ouverture plus large.
  • Pour les enfants de moins de 4 ans, l’utilisation de lames droites Miller ou Wisconsin (lame droite un peu plus large que la Miller) devrait être privilégiée.

 

LE RAPPORT TAILLE DE LA LANGUE / TAILLE DE LA CAVITÉ BUCALE EST PLUS IMPORTANT

La texture plus épaisse de la muqueuse des voies aériennes supérieures nécessite une visualisation prudente et progressive des repères anatomiques. Heureusement, le faible diamètre des sondes d’intubation pédiatriques et notamment celles sans ballonnet associé à la petite largeur des lames droites rend le passage du tube possible même quand la langue n’est pas parfaitement contrôlée. Attention malgré tout à ne jamais s’obstruer la vue par la sonde d’intubation.

 

L’ÉPIGLOTTE EST PLUS LONGUE

L’épiglotte est plus difficile à contrôler avec une élévation indirecte. C’est une autre raison pour l’utilisation de lames droites chez les petits enfants où l’épiglotte pour être chargée.

Il est parfois possible d’avoir du mal après avoir repérer l’épiglotte de la charger en avançant la lame sans pour autant charger tout le larynx. Dans ce cas, il n’est pas illicite d’utiliser la Miller comme une Mac en plaçant l’extrémité de la lame dans la vallécule, en élevant l’épiglotte par une pression sur le ligament hyoépiglottique.

 

CONCLUSION

Les points essentiels sont :

  • La recherche et la visualisation systématique de l’épiglotte comme repère indispensable
  • L’utilisation de la juste lame en fonction de l’âge
  • La bonne position de la tête de l’enfant différant de celle de l’adulte
  • Une progression encore plus douce et prudente de la lame puis de la sonde d’intubation.

6 thoughts on “DÉMYSTIFIER LA LARYNGOSCOPIE PÉDIATRIQUE

  1. Bonjour, quelques petites remarques sur l’utilisation des Miller (lames droites) : dans la très grande majorité des cas, il n’est pas nécessaire de charger l’épiglotte, y compris chez le nouveau né, ce qui peut être traumatique et engendrer de l’oedème. Si le laryngoscope est bien tenu à sa base, que la lame est bien centrée dans la bouche et le bout de la lame bien dans le repli epiglottique, une simple pression du cricoide avec le 5ème doigt (ou par un aide) permet d’exposer sans problème le larynx. L’autre problème chez les petits est leur grosse tête qui bascule de droite à gauche: penser à la caler quand on a pas l’habitude avec des draps de chaque côté. L’aide joue un rôle essentiel: éventuellement faire l’appui extérieur sur le larynx et tenir, comme précisé dans le blog, la lèvre sup droite, permettant l’amélioration de la vision et le passage de la sonde. Enfin, si on suspecte une pathologie chirurgicale, privilégier les sondes à ballonnet! Ca évitera une reintubation. Sinon, super topo!

    1. Bonjour Maryeso,
      Merci pour votre commentaire.
      Les précisions sont intéressantes tant sur l’utilisation des Miller que sur la nécessité de bien caler la tête des enfants.
      Merci de votre lecture.
      À bientôt.

  2. j’adore votre blockchoc et l’intubation du petit je kiff mais je pense que l’angoisse est souvent la sédation et les doses des sedations pour intuber et pour maintenir la sédation qui terrorise les urgentistes car les gama kilo sont tres angoissants par les non inities
    bonne soirée
    fbl

    1. Salut Flo,
      Comment vas tu?
      Et merci pour ce gentil message.
      Effectivement ce qui est angoissant avec la pédiatrie concerne souvent aux posologies.
      Surtout aux urgences ou en SMUR où le temps de réflexion est souvent raccourci ou perturbé (calculer les doses avec le deux tons qui hurle n’est pas toujours chose simple).
      Pour contrecarrer ça, j’avais toujours dans ma poche quand je faisais du SMUR, une réglette de Broselow.
      En pratique c’est constitué d’un mètre ruban qui en fonction de la taille de l’enfant détermine sont poids idéal et toutes les posologies des drogues d’urgence. En plus de cela, elle donne la taille de la sonde d’intubation, la numéro de la lame pour la laryngoscopie, les réglages du ventilateur ainsi que plein d’informations utiles que l’on oublie généralement aussitôt les avoir revues.
      Sans vouloir faire de pub, je te confie le lien du site où j’avais acheté la mienne : http://www.lifesupportfrance.fr/index.php/boutique/store .
      Un joli cadeau pour Noël.
      Au plaisir de te revoir.
      Amitiés.
      Alexandre.

  3. Bonjour

    Même si c’est aux frontières du sujet j’aurais ajouté des petits commentaires sur la possibilité de mettre une sonde sans ballonnet et/ou de monitorer +++ la pression du ballonnet

    Et plus de risque d’intubation sélective Surtout à la mobilisation du patient

    1. Bonjour Rémy,
      Effectivement vos réflexions sont parfaitement justes.
      Je rajouterai un petit quelque chose sur ces points essentiels.
      Merci de votre commentaire et de votre lecture.
      À bientôt.

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